À Peine

The loner

Au revoir, puisses-tu être repartie
Tes incursions remplies d’impacts
Caustique tu dissous mes réparties
Malgré l’armistice de notre pacte

Vieille ennemie, nouvelle épreuve
Émerger du cauchemar m’est pénible
Ployant devant le fardeau de la pieuvre
Mes os craquent et tu restes impassible

Peine et haine inséparables
Vilaines ou en frasques
Sœurs jumelles détestables
Je subis vos bourrasques

Demeurer stoïque et froid
Enfoui sous un maitre de fermeté
Marmoréen, solide effroi
Échec du désillusionné

Vieille amie, nous le fûmes jadis
Sous ton poids j’étais, sûr, vivant
Souriant de tes noirs auspices
Une idioties dorénavant

Tapi dans un océan de douleurs
Transparent au corps d’aurélie
Fuyant a tout pris ton malheur
Éloigner ton hégémonie

Cancer dur comme l’acier
Escarre vive, un ulcère
Tu crois en la terre brûlée
Ravage en mes artères

Voyant ton travail de sape
Toujours prête à éclore
En ce jour je te frappe
Pour te passer le mors

À Peine, une faveur
Recouvre ta liberté
Pars et sévis ailleurs
T’ayant déjà tout donné

Ode au combattant

Braise

Vois la gloire ceindre ton front vertueux
Tu défiles solennellement parmi la foule
Serrant les remercieuses dans tes bras
Elles pleurent joies et soulagements

Tu ramènes leurs proches en maisonnée
Promesse tenue malgré les déchirements
Tu rengaines tes outils d’épuisements
Eux aussi aspirent au doux repos mérité

Éreinté, tu n’as droit qu’à une courte accalmie
Le devoir te rappelle dans les champs de batailles
L’ennemi lance de nouveaux éclairs de discorde
Embrasant les moindres parcelles florissantes

Ton combat te semble inutile car éternel
La terre entière crâne en incendiant tes efforts
Luttant vaillamment malgré tes bras alourdis
L’aboutissement se soustrait avec grands bruits

Parfois une victoire, parfois un renoncement
Les bagarres ne se gagnent pas aisément
Car ta précieuse forêt brûle de mille feux
Et les pompiers comme toi, si peu nombreux

La désirable

Détresse

Lorsque les oiseaux ne chanteront plus
Lorsque les pétales seront fanés
Je t’étreindrai plus fort
Je t’aimerai encore

Lorsque les volcans ne gronderont plus
Lorsque les rivières seront taries
Je t’étreindrai encore
Je t’aimerai plus fort

Lorsque les mers ne déferleront plus
Lorsque les arbres auront brûlé
Je t’étreindrai plus fort
Je t’aimerai encore

Lorsque mes yeux ne verront plus
Lorsque mon corps sera meurtri
Je t’étreindrai encore
Je t’aimerai plus fort

Le piano pleure

Piano chagrin

Mais de quel avenir tu me parles ?
Ma vie est un bloc de marbre
Blanche et froide comme mes nuits
Sans amours et sans plus d’envies

Je ne vois que des cendres grises
Mes rêves en volutes de fumée
Disparaissent loin de mes emprises
Évaporés de mon passé

Rien ne persiste à tout jamais
Hormis mes pertes innommables
Maintenant et désormais
Ne subsiste qu’un misérable

N’aie crainte pour moi mon amie
Garde courage si je m’évade
Aucune raison d’être maussade
Ainsi vont les couleurs de la vie

Courage

Farewell

Rivière animale ébrouée de rais
Crache ses ondulations néfastes
Sur les ténébreuses falaises de jais
L’aube poudroie l’or des contrastes

Parcours les vents adolescents
Frissonne transcendance matinale
Loquace plume trempée de sang
En bris des quiétudes abyssales

Dénicher l’oiseau des augures oubliés
Ceint de tant d’amères tourmentes
Une offrande de mesures scandées
Lueurs de vérités ambivalentes

Haut hisse l’étendard vertueux
Le courage ne craint ni ne feint
Les pourpres mordront les bleus
Le ciel entrouvrira les destins

Une révolte prévisible

Out of the Cold

Les peuples les élisent, ils ne les contrôlent pas
Les gouvernements ploient sans céder le pas
Nourris par les entreprises carboniques
Ils possèdent la résilience de l’élastique

Le temps passe et le climat est le seul à changer
Confortés par l’insouciance généralisée
Les gens continuent leur petite vie d’envieux
Bercés des illusions que tout ira pour le mieux

Seule une poignée de gens conscientisés
Hélas ne sachant plus à quel saint se vouer
N’auront d’autre choix que d’allumer la mèche
Fomentant une révolte pour engendrer la brèche

Cet événement, on le sait, va bientôt arriver
Tout aussi prévisible que le prochain matin
Pourtant tout le monde paraitra étonné
Faux semblant pour bonne conscience d’humain

La brume

On dit de la brume qu’elle est un vampire éphémère, incapable d’endurer le moindre rayon de soleil

On dit de la brume qu’elle imite la fumée pour mieux égarer les insouciants au sein de son infinie blancheur

On dit de la brume qu’elle flotte entre deux mondes, indécise duquel abandonner et duquel se raccrocher

On dit de la brume qu’elle masque les plus extraordinaires paysages pour les préserver de la destruction humaine

On dit de la brume qu’elle préfère l’immobilité au mouvement, le monochrome à l’arc-en-ciel et le silence à la musique

On dit de la brume qu’elle est un voile opaque ondoyant au fil du vent pour attirer notre regard loin de la laideur du monde

On dit de la brume qu’elle n’est que nuages déprimés contenant trop de larmes n’ayant jamais coulé sur les joues de la Terre

On dit de la brume qu’elle blanchit la noirceur immaculée du Corbot, qu’elle camoufle son vol pour que les animosités insensibles et profiteuses ne l’atteignent plus.

Si j’étais

Aujourd’hui, je vous propose d’écouter une vieille chanson dans laquelle je me suis toujours reconnu.

L’auteur : Richard Cocciante

Le titre : Si j’étais.

https://youtu.be/bzP4AsqL7_U
L’aveugle se voulant assourdi
Ma futile colère immergée
Le Monde démantibulé
Mon amère âme engloutie

Sous la contrainte des créatures

Dans mon dernier article traitant de l’écriture de fiction, j’abordais le concept de la création de personnages crédibles. Ils doivent se démarquer les uns des autres et pour ce faire, l’auteur doit cesser de puiser dans ses propres expériences ou lectures passées. Inventer des vies totalement imaginaires auxquelles les lecteurs croiront instantanément reste un exercice pouvant s’avérer complexe et périlleux, mais rempli de satisfaction pour un auteur réussissant ce délicat travail. Parfois, les inspirations adoptent de bien curieux chemins pour atteindre notre conscience. Voici un exemple.

J’avais besoin de créer un être troublé. Une image m’est soudainement apparue de lui et, étrangement, celle-ci prenait peu à peu la forme d’un poème. Une fois l’exercice terminé, je possédais tout ce dont j’avais besoin pour l’insérer dans la trame du livre, son passé, sa façon de penser, son état d’esprit. Lorsque je l’ai inscrit dans l’histoire, j’ai dû respecter son schème en le faisant réagir conséquemment, tout en lui fabriquant un discours représentatif de sa nature. Ma créature était devenue autonome et m’imposait des choix que je n’avais pas prévus en amont. Le livre prenait ainsi une tournure évolutive orientée différemment de mes désirs initiaux. Le personnage me contraignait à accepter ses réactions naturelles ou à le jeter par-dessus bord et à tout recommencer.

N’ayant pas la possibilité d’insérer le poème, il est devenu orphelin. Je vous le présente, n’hésitez pas à me dire si sa lecture vous transmet une certaine image dudit personnage.

J’abrite la haine

J’abrite la haine
Depuis le jour où je suis né
Depuis le sein trop refusé
Depuis les caresses oubliées
J’ai pleuré à m’en fendre l’âme
J’ai vidé des torrents de larmes
Inutiles solitaires vacarmes

J’abrite la haine
Depuis mes premiers jours d’école
Pris dans ce corps chétif à l’os
Incapable de défendre ce fol
Je vis otage des malins
J’envie les rages du destin
J’emplis d’orages mes deux mains

J’abrite la haine
L’adolescent sans avenir
Les filles aux regards sans désirs
Je me recourbe et je soupire
Je me destine à la violence
Ne me dis pas ce que t’en penses
Tu ne pèses rien dans la balance

J’abrite la haine
L’adulte aussi est pris au piège
Incantations et sortilèges
On me contraint au gris ou beige
Le bonheur toujours en cavale
Tous mes espoirs, je les ravale
Foutu, combat contre le mal

J’abrite la haine
Avec tes sales manigances
Tu crois à ton intelligence
Mais quelle déplaisante résistance
Tu redoutes mon regard oblique
Je confronte ta piètre logique
Remplis de mensonges empiriques

J’abrite la haine
Ce monde est meilleur pour les autres
Ni prédicateur ni apôtre
Une vie heureuse si tu te vautres
Mes pensées n’intéressent personne
Elles dérangent trop pour qu’elles résonnent
On les abrille ou les maçonne

J’abrite la haine
Funeste tsunami d’émotions
Volcanisme en ébullition
Nucléarisé champignon
Surtout ne me fais pas rager
Je t’explose sans même broncher
Humanité déshumanisée

J’abrite la haine
Je hais ce monde et ses sujets
Je hais les rois et leurs laquais
Je hais mes voix et leurs secrets
Je hais les merveilles en exil
Je hais mon existence futile
Je hais l’univers inutile

J’abrite la haine

La chouette

Tracer mes rêves à la plume
Autour de son corps d’enclume
Laissé sciemment martelé
Par mes yeux acier déclarés

Risquer le glacial frisson
D’une insoutenable humiliation
Cœur désireux devenu volereau
Au contact du velours de sa peau

Vivoter exalté par sa fragrance
L’illusoire à mante se joue du hère
Aphrodite relâche sa carnassière
Marmoréenne est sa substance

Imprégnée des charmes d’une fausse gosse
Elle noie en son for mes pensées d’Éros
Dans son monde cadenassé parallèle
Ma convoitise ne se rapproche du réel

Qu’aux rythmes courbes de ses formes
Dandinantes, cruelles, provocantes
Répertoire maitrisé de la bacchante
Je sens en moi monter l’homme

 

© Mathis A. LeCorbot
Peinture : Paul Gauguin 1896 – Te Arii Vahine