Hubert a rejoint ses étoiles

We are cursed

Rarement plus d’une personne par génération a la capacité d’influencer positivement l’humanité tout entière et Hubert Reeves a été l’une d’elles. Son amour pour la science, pour l’écologie, pour la langue française, mais surtout pour les gens a façonné sa nature profonde et incidemment la nôtre.

Contrairement aux discours démagogiques qui enflamment les esprits, le sien, dépourvu de hargne, a toutefois engendré de très grandes passions. Comme quoi l’éducation et les explications simples et claires valent autrement mieux que les phrases incendiaires dépourvues de sens.

Ce Montréalais de naissance et Français d’adoption savait que la science avait causé les catastrophes environnementales que nous connaissons aujourd’hui, mais il croyait également qu’elle pouvait nous en affranchir si on la mettait au service de notre bien-être. La science n’est ni bonne ni mauvaise, elle fait ce pour quoi on la harnache. Malheureusement, l’incurie permanente de nos dirigeants en matière de protection de la Nature l’a profondément bouleversé et l’a peut-être en partie anéanti.

Nous sommes tous des poussières d’étoiles comme nous sommes tous devenus des fragments d’Hubert Reeves, de sa pensée, de ses préoccupations et de ses amours.

Merci, Hubert, d’avoir été présent dans nos vies.

Spécialisation et fragilité

La société humaine a franchi une étape charnière de son évolution le jour où elle a commencé à chasser en groupe. Ces sociétés de chasseurs-cueilleurs l’ignoraient, mais ils venaient d’inventer la fragilité individuelle.

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Cueillir sa nourriture reste un acte solitaire et semblable pour tous les cueilleurs. À ce niveau d’évolution, un acte sociétal est tout de même faisable, celui de mettre les denrées en commun pour les distribuer selon une équité ou selon un mérite quelconque.

On peut se comporter de la même façon à la chasse. Tuer une perdrix ou un lièvre s’effectue individuellement. Toutefois, tuer un bison ou un mammouth est une autre paire de manches. Sans spécialisations, certaines pour attirer la bête, l’isoler, pour la rabattre en enfin pour l’abattre, la chasse aux gros gibiers resterait inefficace. Chacun s’occupant d’une tâche distincte, elles sont mises en commun dans un processus global permettant au bout du compte d’attraper la proie et de gagner, ce faisant, le droit de recevoir une part du gibier.

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D’une chasse à l’autre, les individus amélioraient leur technique, savaient choisir et appliquer les meilleures méthodes lorsque les conditions changeaient. Ils acquéraient ainsi un rôle pratiquement indispensable, mais en contrepartie ils devenaient quelconques sinon médiocres dans les autres spécialités.

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Chaque humain étant différent, l’efficacité d’un groupe augmente avec celle de chaque spécialisation. Accomplir certaines tâches précises parmi un ensemble possible devient un atout non négligeable pour la communauté. Les besoins globaux ainsi que les talents naturels des nouveaux membres définissaient leur futur rôle.

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Maintenant, il est devenu impensable de vivre de manière autonome, nous devons tous nous fier aux autres. Même les ermites ayant décidé de vivre retirés et de ne se nourrir que de leurs chasses, pêches, cultures et cueillettes utilisent des tas d’outils fabriqués par notre société, des graines provenant d’elle et des vêtements issus des métiers à tisser. Ils échangent leurs surplus contre d’autres denrées ou équipements impossibles à obtenir ou fabriquer dans leur milieu.

La spécialisation n’a cessé de grandir avec le nombre d’humains peuplant la Terre. On peut dire que le niveau technologique croit en fonction du nombre d’individus. Acquérir autant de compétences variées aussi complexes et si rapidement avec le dixième de notre population n’aurait pas été possible. Le temps nécessaire à atteindre le même niveau d’achèvement aurait été multiplié par un facteur bien plus grand que dix. Imparfaitement imagé par le concept du tas de sable, pour qu’il croisse, une base de plus en plus vaste s’avère nécessaire. L’imperfection de cette image provient de l’angle de la pente, environ 30° pour le sable, variable pour les connaissances accumulées.

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Plus les spécialisations deviennent grandes, plus elles fragilisent les individus, car des disparitions soudaines de leurs besoins engendrent l’inutilité et l’improductivité immédiates des citoyens s’étant dédiés à les combler. L’impossibilité de se parfaire rapidement dans d’autres spécialités qui prennent parfois plusieurs années à acquérir engendre ce qu’on nomme le chômage systémique et ses dangers croissent au fur et à mesure de la surspécialisation des métiers.

La formation continue s’avère alors la seule planche de salut pour réduire les risques d’obsolescence. Elle ne constitue pas un luxe, mais devient une nécessité dans la plupart des domaines de spécialisation.

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Le temps est révolu depuis longtemps où nous passions nos années de jeunesse à apprendre un métier qui nous suivrait ensuite toute notre vie. Dès notre sortie de l’école, nous devons immédiatement penser à y retourner. Ce perfectionnement constant doit s’inscrire dans une planification régulière, au même titre que la famille, les amis et les loisirs. Ceux qui y adhèrent garderont toute leur pertinence au cours de leur vie active de travailleur au sein d’une société hyper technologique. Les autres, la chance déterminera leur sort en fonction d’aléas totalement hors de leur contrôle.

Flûte, alors !

Le seul instrument de musique naturel à produire un son presque pur est la flûte. La flûte n’a pratiquement pas de timbre puisque le timbre est une série de fréquences formant l’apparence musicale différente à chaque instrument. Puisque la flûte (bien jouée) génère globalement une seule fréquence (par note), son aspect auditif est le plus simple qui soit.

Donc, on aime cette simplicité ou on ne l’aime pas. Pour ma part, j’aime. J’ai joué de la flûte durant plusieurs années. Les enfants s’endorment facilement au son de la flûte. Ça les apaise et les rassérène tout à la fois. Les enfants dorment bien avec des bruits plaisants dans les oreilles. On va les voir, on leur caresse la tête, on les embrasse. Ils se sentent bien, en sécurité, aimés et toujours proches de nous.

La flûte est l’instrument portatif par excellence, uniquement surpassée par l’harmonica. Mais un harmonica chromatique, c’est compliqué à jouer à comparer à un harmonica diatonique ordinaire, tandis qu’une flûte traversière, c’est chromatique.

Je me spécialisais à accompagner des gratteux de guitare, des pianistes qui jouaient du populaire. Un guitariste peut utiliser un capot pour simplifier son jeu. Pas à la flûte où je devais jouer dans toutes les octaves. J’ai suivi des cours durant quelques années, mais je jouais surtout par oreille.

Jouer m’a permis de comprendre plein de subtilités et je n’ai plus jamais écouté de la musique de la même façon par la suite.

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Tentez de faire apprendre la musique à vos enfants. C’est un langage universel compris dans tous les pays et qui n’a aucune barrière générationnelle stricte autre que l’ouverture d’esprit. Ça leur apprendra également la persévérance et la modestie.

Essayez vous-même, il n’y a pas d’âge limite pour apprendre, seulement des pièces que vous ne parviendrez jamais à interpréter. Restez modeste et vous vous amuserez. Heureusement, il y a les slows. Puisque ça se joue lentement, vous les maitriserez rapidement et ça fait craquer tout le monde ! Plaisirs et succès assurés. Pour la suite, ça vous appartient.

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Le sujet de cet article m’a été inspiré par Mimika [lespetitesastucesdemimika.com]

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Je m’émerveille toujours lorsque je vois une personne comprendre une notion qui semblait nébuleuse, trop compliquée, incompréhensible, insaisissable. Puis soudain, grâce à une explication, une comparaison, une analogie ou une image, la lumière de la compréhension surgit en éblouissant son visage, la rendant plus lumineuse que le soleil. 

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Parfois, la magie opère dans le sens contraire. Une personne a toujours cru et considéré qu’un truc fonctionnait de telle ou telle façon et, tout à coup, sortant d’un chapeau, la vraie explication vient la frapper en plein front. Ce qui lui avait semblé simple et évident lui montre tout à coup ses vraies couleurs. Instantanément, des liens se tissent avec d’autres éléments et certaines pièces manquantes d’un grand puzzle viennent tout à coup d’apparaitre comme par enchantement et prendre place sans effort dans la grande trame des connaissances qui, quelques fois, avait été tissée de travers.

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Un professeur a l’immense privilège d’être assis aux premières loges pour voir ces transformations survenir. Les gynécologues et les sages-femmes aident les mères à accoucher de leurs bébés. Un prof aide les gens à enraciner les connaissances dans le meilleur terreau possible et aussi à les faire accoucher de leurs meilleures idées. Elles sont toutes deux des naissances, des con-naissances fraichement mises au monde.

Frapper sur la tête d’un clou n’incruste pas les connaissances, les répétitions oiseuses ne font qu’affaiblir le clou qui finira par plier. Les liens tissés entre les différents éléments de connaissance s’avèrent certainement plus efficaces que les scies répétées ad nauseam. Diversifier les points de vue est certainement l’un des exercices les plus complexes qu’un prof est appelé à exécuter. S’il possède sa matière à fond, il sera en mesure d’alterner les angles de vues, de varier les perspectives, sans jamais perdre le fil, ni le nord de la matière à enseigner.

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Un exercice encore plus périlleux pour le prof que des exercices de changements de perspectives, ce sont les analogies. La Nature est bien faite et parfois, les règles gagnantes dans un domaine de connaissances peuvent être transposées dans un autre domaine. Toutefois, les analogies bancales pleuvent bien trop souvent. Et plutôt que d’aider l’étudiant, elles risquent de l’embrouiller définitivement. Si un étudiant éprouve des difficultés à comprendre un principe quelconque, ce n’est certainement pas en l’enlisant dans de mauvaises comparaisons qu’il en sortira meilleur.

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Un prof qui ne possède pas sa matière sera souvent incapable de dévier de son cursus et frappera la tête des clous sans arrêt, espérant que sa trente-neuvième tentative sera la bonne. S’il est animé de bonnes intentions, il cherchera une analogie. Toutefois, sans compréhension approfondie de sa propre matière, chercher une explication dans un autre domaine encore moins maitrisé est voué à n’engendrer que des absurdités.

Et vous, étudiant, lorsque vous subissez ces mauvais enseignements, vous vous traitez de cancre pour ne pas comprendre la matière enseignée, ni comprendre l’analogie, ni comprendre le lien (souvent inexistant) reliant l’une à l’autre.

Un professeur compétent a respecté trois règles primordiales de l’enseignement.

1. Il possède la matière qu’il enseigne dans le domaine d’études en question.
2. Il possède la matière qu’il n’enseigne pas dans le domaine d’études en question
3. Il possède la matière qu’il n’enseigne pas dans d’autres domaines d’études.

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Un prof aux connaissances trop étroites cognera sur la tête des clous et il se verra incapable de forger des analogies pertinentes. Il ne pourra pas mettre les connaissances en perspective, les attacher les unes aux autres, en extrapoler les effets sur les prochains niveaux de connaissances. Il se bornera à jouer le rôle de perroquet.

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L’enseignement se rapproche d’être un art, car il semble si facile lorsqu’il est exécuté avec maitrise et il semble si laborieux lorsqu’un néophyte s’y risque.

Mais attention, un bon prof n’est pas qu’une encyclopédie. Si l’étendue et la variété de ses connaissances sont essentielles, plusieurs autres facteurs influenceront le succès ou l’échec de leurs transmissions.

J’en parlerai dans un prochain article.