À Peine

The loner

Au revoir, puisses-tu être repartie
Tes incursions remplies d’impacts
Caustique tu dissous mes réparties
Malgré l’armistice de notre pacte

Vieille ennemie, nouvelle épreuve
Émerger du cauchemar m’est pénible
Ployant devant le fardeau de la pieuvre
Mes os craquent et tu restes impassible

Peine et haine inséparables
Vilaines ou en frasques
Sœurs jumelles détestables
Je subis vos bourrasques

Demeurer stoïque et froid
Enfoui sous un maitre de fermeté
Marmoréen, solide effroi
Échec du désillusionné

Vieille amie, nous le fûmes jadis
Sous ton poids j’étais, sûr, vivant
Souriant de tes noirs auspices
Une idioties dorénavant

Tapi dans un océan de douleurs
Transparent au corps d’aurélie
Fuyant a tout pris ton malheur
Éloigner ton hégémonie

Cancer dur comme l’acier
Escarre vive, un ulcère
Tu crois en la terre brûlée
Ravage en mes artères

Voyant ton travail de sape
Toujours prête à éclore
En ce jour je te frappe
Pour te passer le mors

À Peine, une faveur
Recouvre ta liberté
Pars et sévis ailleurs
T’ayant déjà tout donné

Mon rock progressif

Variante du rock, le rock progressif a connu ses heures de gloire durant les décennies 1970 et 1980.

Ripples

Il est parent du rock par les instruments utilisés, essentiellement guitares et basses électriques, batteries et synthétiseurs. Il s’en démarque par ses polyrythmies, par ses plages d’une longueur hors du commun et par son phrasé musical souvent complexe, recherché et inédit. Avec le rock progressif, la nouveauté est toujours au rendez-vous sinon ce n’en est pas.

Dans cet article, je ne prétends surtout pas vous donner une formation en histoire de la musique moderne, tant s’en faut. Ceci dit, je ne cherche pas non plus à effectuer un classement des groupes incontournables en la matière. Je veux simplement aborder ce sujet à partir de mon expérience personnelle et nécessairement limitée.

Chez les leaders en a matière, personne ne copie personne, tout est à inventer puisque la page est encore vierge et tous les groupes s’en donnent à cœur joie. Le premier groupe de ce style à avoir atteint mes oreilles est très certainement Gentle Giant. Cependant, puisqu’il sévissait tout autant en rock expérimental, ma première impression est restée accrochée à ce style déconstruit, plus ardu à appréhender et à apprécier. Du propre aveu de leurs membres, la musique populaire devait s’affranchir de sa facilité, quitte à devenir impopulaire. À cet âge, peut-être encore trop peu de culture musicale derrière la cravate, Gentle Giant est resté chez le disquaire.

Ce ne fut pas le cas avec le groupe mythique King Crimson avec leur disque In the Court of the Crimson King. Je me délecte de cette originalité singulière de I talk to the wind, Epitaph et The Court of the Crimson King.

Un autre groupe qui s’était lancé corps et âme dans le rock expérimental fut bien évidemment Pink Floyd. Je parle de ce groupe avant The Dark Side of the Moon. C’est l’époque de Ummagumma et de Atom Heart Mother, du rock tout aussi psychédélique qu’expérimental. Même si Sid Barrett, le premier guitariste du groupe n’en fait plus partie, ces œuvres ressentent encore fortement son influence. Ici en Amérique du Nord, Pink Floyd reste à ce moment généralement méconnu. Le vent commence à tourner avec le disque Meddle sur lequel la face B ne contient qu’une seule plage devenue éternelle, Echoes.

Echoes

Je passe des jours à faire tourner cette musique en boucle. Je suis totalement séduit par le côté planant sans devoir prendre du LSD pour l’apprécier et je me laisse porter par les rythmes parfois envoûtants, parfois entêtants, parfois très mélodieux. Après la musique classique, j’ai enfin trouvé ma source de plaisirs musicaux intenses.

Malgré ce coup de foudre, je varie mes extases avec ELO (Electric Light Orchestra) et ELP (Emerson, Lake & Palmer). Ce Lake en question était aussi le guitariste de King Crimson un vrai faux groupe qui ne se réunissait que pour endisquer puisque tous ses membres se détestaient joyeusement.

Le temps passe et les groupes se multiplient. Cream, Tangerine Dream et trois autres groupes qui me sont restés collés à jamais, Jethro Tull, Supertramp et Genesis. Non pas le Genesis pop dirigé par Phil Collins, mais le précédent, celui des cinq membres, celui incluant également Peter Gabriel et Steve Hackett. Nursery Cryme, Foxtrot, A Trick of the Tail, The Lamb Lies Down on Broadway et Selling England by the Pound, des albums plus que mythiques, des chefs-d’œuvre intemporels dans leur style.

Avec Jethro Tull, ce sont les albums Thick as a Brick et Aqualung qui me séduisent suffisamment pour m’acheter une flûte traversière. Supertramp ne devient connu aux USA qu’avec le disque Breakfast in America alors que j’écoute allègrement depuis plusieurs années leurs microsillons précédents, Crime of the Century, Crisis, What Crisis? et Even in the Quietest Moments.

Les œuvres de Rush s’intercalent parmi mes lectures, tout comme le groupe Yes ainsi que toute la descendance qui fut innombrable. Au Québec, la palme revient au groupe Harmonium qui a composé des pièces d’anthologie qui resteront pour toujours gravées dans ma tête.

Bien sûr, à cette époque prolifique, je n’écoute pas que du rock progressif, ce sont aussi les décennies d’or pour le rock en général et je ne m’en prive certainement pas.

J’étais toutefois certain que le rock progressif deviendrait aussi prisé que la musique classique d’ici quelques siècles. Tous ces groupes signaient l’avenir musical des quatuors, peut-être ceux du vingt-deuxième siècle !

Pendant de longues années, les gens ont boudé la musique classique considérée avec raison comme élitiste et inabordable. Les temps ont changé. Je le vois très bien lorsque je vais écouter l’Orchestre symphonique de Montréal ou l’Orchestre métropolitain de Montréal et que la salle est d’une disparité exemplaire. La musique classique s’est dépoussiérée pour atteindre toutes les classes de la société.

Le rock progressif passe un peu ce genre de période. Presque aucune radio ne consacre sa programmation à ce genre musical. Il n’est pas suffisamment accrocheur ni populaire auprès des jeunes. Et en jouer requiert des habiletés certaines et une dose de talent hors du commun. Mais un jour viendra où il reparaitra dans toute sa splendeur, le jour où quelques jeunes influents entendront ce que moi-même j’ai entendu à cette époque, le génie musical.

Même si je ne suis plus un aussi fidèle auditeur de ce style, je m’en gave encore de temps en temps puisque le rock progressif s’est rajouté à la musique classique dans la liste de mes amours éternelles.

Connaissez-vous votre E ?

Aujourd’hui, je vous ai concocté un quiz autour de la lettre « e » utilisée en français. Le but principal n’est pas d’évaluer vos connaissances en la matière, mais plutôt de vous rappeler ou de vous apprendre certaines règles et exceptions entourant cette fameuse lettre. Vous trouverez les réponses aux questions à la fin de l’article.

Echoes

Dans le texte, les signes phonétiques sont placés entre crochets [ ]. Vous pouvez trouver la référence sur le site du « Grand Robert » à cette adresse : https://grandrobert.lerobert.com/AideGR/Pages/TableAPI.html

1. En plus des accents aigus, graves et circonflexes sur le « e » (é, è et ê) qui modifient sa phonétique, certains mots possèdent un e non-accentué qui pourtant se prononce [a] comme dans « balle ». Nommez cinq mots provenant de racines distinctes dont le « e » se prononce [a].

2. On sait que le « e » est la lettre la plus employée en langue française. Sa fréquence d’apparition est estimée à 12,1 % et à 14,44 % en incluant les e accentués. Pourtant, un auteur a réussi l’exploit d’écrire tout un roman sans utiliser aucun « e ». Quel titre porte ce livre écrit par un membre de l’Oulipo ?

3. Pourtant, bien que le nom de l’auteur de ce livre (incluant son prénom) ne comporte que onze caractères, on y dénombre quatre « e » pour un pourcentage de 36,4 %. Quel est le nom de cet individu ?

4. Diriez-vous qu’en anglais, le « e » est moins fréquent ou plus fréquent qu’en français ?

5. La plupart des noms féminins se terminant par « té » ou « tié » s’écrivent sans « e » final. Beauté, amitié, santé et pitié en sont de parfaits exemples.

Il existe toute une panoplie d’exceptions, mais elles possèdent souvent un point commun. J’en dénombre une bonne quantité, dont assiettée, charretée, cuillerée, litée, marmitée, pelletée, platée, pochetée, potée, portée, etc. On associe facilement à chacun de ces noms l’autre nom d’origine. Quel est le point commun en question entre tous ces noms se terminant par « tée » ?

6. Le cas du nom « tétée » est particulier bien qu’il fasse également partie de la catégorie précédente. En quoi est-il différent des autres ?

7. Plusieurs autres noms féminins se terminant par « tée » n’entrent pas dans cette catégorie d’exceptions. Ce sont souvent des transformations d’un adjectif (ou d’un verbe) à un nom. Là encore, ils ne sont pas rares. Croûtée, dentée, frottée, futée, heurtée, jetée, jointée, sautée sont tous des noms féminins créés à partir de l’adjectif féminin homonyme. En linguistique, comment se nomme cette transformation d’un adjectif (ou d’un verbe) en nom ?

8. Enfin, certains noms féminins se terminant par « tée » sont dérivés du latin. On les retrouve surtout en science. Les noms actée, galatée, lépidostée et stromatée entrent dans cette catégorie. Selon vous, galatée est le nom d’un astre, une sorte de crustacé, de plante ou de poisson ?

9. Les « e » qu’on prononce [a] n’est pas la seule particularité des e dans la langue orale, il y a aussi les cas du e caduc et ceux du e muet. Les e muets sont légion. Si le mot se termine par e, ce dernier est bien souvent muet. Affaire, cuire, poire, sincère, vous voyez le topo. Le e muet final se prononce parfois lorsque le mot se retrouve dans des chansons. C’est une question de rythme et de rime « La bohèmeeee 🎵».

Le e caduc est, soit muet ou très peu appuyé, soit prononcé. Il se situe à l’intérieur d’un mot et nous sommes libres de le taire ou pas. Il faut toutefois faire attention. Voyons l’exemple suivant. On a le choix de prononcer ou non le e caduc dans le mot « fenêtre » qui devient « f’nêtr ». Le premier e est caduc et le dernier est muet. Cependant, on doit toujours le prononcer dans le mot « fenestration ».  Trouvez deux autres mots dont le e caduc devient nécessairement muet et ensuite deux mots dont le e caduc doit absolument se prononcer.

10. Connaissez-vous l’autre nom donné au e caduc ?

11. Nous savons tous que le français est une langue latine et si ce n’était pas le cas, maintenant c’est fait. Notre langue a hérité de plusieurs mots latins qui n’ont jamais changé de graphie même lorsqu’un caractère ne se trouve pas directement dans notre alphabet. C’est le cas de la ligature du a et du e, le fameux « æ » bien connu grâce au nom « curriculum vitæ ». On le nomme de multiples façons, comme si aucun nom ne lui convenait parfaitement. Ligature, lettres liées, lettres soudées, lettres doubles, voyelles doubles, digramme, on ne s’ennuie pas. Si l’æ est un digramme, nommez-en un autre comportant un e et utilisé en français.

12. En français, comment se prononce l’æ ?

13. Trouvez trois autres mots utilisant le digramme « æ ».

14. On retrouve parfois un tréma sur le « e » (ë) lorsqu’il se situe à la fin d’un mot. Sauriez-vous dire pourquoi ?

15. En français, quel est le maximum de e trouvé dans les mots du dictionnaire ?

16. Sauriez-vous trouver un mot français qui n’est pas un mot composé, ni un verbe conjugué, ni un adjectif au féminin (qui rajoute un e) et qui contient ce maximum de e ?

Comme vous pouvez le constater, notre lettre la plus prolifique est plutôt étonnante, car remplie de particularités et de contradictions.

Réponses

  1. Cinq mots dont le e se prononce [a], le plus commun est certainement « femme ». Il est si commun qu’on oublie facilement sa prononciation exceptionnelle. Vous auriez également pu nommer « moelle, poêle et solennel ». À cette courte liste, se rajoutent toutefois plus d’une cinquantaine d’adverbes se terminant en « emment » comme ardemment, différemment, éloquemment, innocemment, négligemment, etc. Le choix ne manquait pas. 
  2. Le livre sans e s’intitule : « La disparition ». L’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) est un groupe de recherche littéraire créé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais.
  3. Toute une performance de l’auteur George Perec !
  4. Étonnamment, en anglais, la fréquence du « e » est plus élevée qu’en français si on prend seulement le « e » non accentué. Sur le site de Wikipédia, elle a été mesurée à 12,7 % de son contenu en anglais comparativement à 12,1 % en français. Cependant, avec les « e » accentués, la fréquence en français de 14,4% dépasse celle de l’anglais. En anglais, le « e » n’est jamais accentué, sauf pour les mots empruntés au français. Café, fiancé et crêpe font partie de ces rares mots acceptés en anglais qui possèdent un accent sur le « e » et que les gens sont censés écrire tel quel. Cependant, paresse exige, nos amis d’en face « omettent » couramment de les accentuer correctement.
  5. Tous ces noms représentent une quantité, un contenu.
  6. Bien que « tétée » représente aussi une quantité, il n’est pas dérivé d’un autre nom, mais du verbe « téter ».
  7. Transformer un adjectif ou un verbe en nom se nomme « la substantivation ». Un mot qui ne comporte aucun e, et ce malgré ses quinze caractères. Noter que le mot « substantif », donner de la substance, est un synonyme du mot « nom ».
  8. Galatée est un crustacé. Il provient du latin « galathea », lui même tiré du nom propre grec Galathea. Dans la mythologie grecque, Galatée (en grec ancien Γαλάτεια / Galáteia) est l’une des Néréides (nymphe marine), fille de Nérée et de Doris. Ceux qui ont répondu que galatée est un astre ont partiellement raison. Oui, Galatée est bien le nom de la sixième lune de Neptune, dernière planète de notre système solaire, cependant seul le crustacé galatée est un nom commun, il s’écrit donc sans majuscule.
  9. Il existe une foule de mots dont le e caduc est obligatoire. Une série est bien connue, celle des mots avec la terminaison « ement » comme dévouement, paiement, remerciement, etc, mais pas tous. Pensons aux mots abjectement, adorablement, bougrement, département, fermement, etc. qui requièrent tous de prononcer le e. Noter toutefois que dans tous ces mots, le e est précédé de deux consonnes. Avec le m qui suit, cela ferait trois consonnes à prononcer sans voyelle séparatrice. Les prononciations blm, grm, rtm, rmm ne sont pas naturelles et c’est pourquoi le e n’est jamais muet dans ces mots.
  10. Un e caduc est aussi appelé e instable. Le e muet ou caduc muet est aussi appelé un « schwa » [ʃva], une voyelle neutre. Rajoutez-y un « l » à la fin et vous obtenez un cheval dont le e est caduc (ch’val) 😀.
  11. L’autre digramme est aussi bien connu, c’est l’œ comme dans œil, œuf, bœuf, sœur, etc. Noter que pour des raisons souvent techniques, les ligatures œ et æ ne sont pas obligatoires et évidemment elles deviennent inutilisées dans des jeux comme le scrabble ou les mots croisés. Il est cependant recommandé de les utiliser partout où c’est possible. C’est pourquoi la version française de Word possède la capacité de ligaturer automatiquement les mots dont l’orthographe contient un æ ou un œ en tapant simplement les deux lettres consécutivement. Sur Mac avec l’OS X, il est facile de taper directement les caractères æ et œ en utilisant Option + a et Option + q.
  12. En français, on prononce l’æ comme un é, un e fermé, [e]. Cependant, en latin, la véritable prononciation tendait à laisser entendre les deux voyelles, cependant en atténuant le a et en insistant sur le e. J’ai eu un prof de latin qui, lui, détachait carrément le son des deux voyelles [ae] comme si aucune ligature n’existait. Quant au digramme œ, il se prononce généralement comme peur. Son signe phonétique est justement le même [œ]. Mais là encore, des exceptions s’appliquent. Le œ dans alstrœmère se prononce comme le o de sot [o], tandis que celui de amœbée se prononce é, un e fermé [e]. On voit donc que le digramme œ peut prendre plusieurs sons différents dépendant des autres lettres qui l’accompagnent.
  13. Souvent, les mots possédant le digramme æ possèdent également une autre graphie francisée. Cæsium a  césium, cobæa a cobéa, elæis a éléis, et cætera a et cetera, fæces a fèces,  pæan a péan, præsidium a présidium, sæptum a septum, tænia a ténia, etc. Mais d’autres n’ont qu’une seule façon de s’écrire. C’est le cas de æoline, æolis, æschne, æthia, hymenæa, nævus, uræus, vitæ, etc.
  14. Les mots féminins aiguë et ses composés, ainsi que ciguë, exiguë, contiguë, etc., portent un tréma sur le e, car la prononciation du groupe de lettres « gue » sans ce tréma donne [gǝ] (g dur et e ouvert) comme dans « ligue », tandis que tous ces mots se prononcent [gy] (g dur et u comme dans « du »). Le e tréma (ë) nous rappelle la bonne prononciation à adopter.
  15. En français, le maximum de e dans un seul mot est de 6, mais la plupart d’entre eux sont des mots composés, des verbes conjugués ou des adjectifs féminins.
  16. Il existe plusieurs mots contenant 6 e. En voici deux. Dégénérescence et préférentiellement.

La Covid pour le Corvidé

Ouais, j’ai attrapé la saleté un peu avant les Fêtes.

Pilgrims' Road

J’ai annulé toutes mes sorties pour réfugier ma misérable carcasse entre l’édredon et les poussées de fièvre, entre la salle de bain et les courbatures, entre les bouteilles d’eau et les étourdissements.

En plus du virus chinois, je suis à peu près certain d’avoir simultanément chopé la grippe H1N1, la grippe saisonnière, parce que je tarde à me remettre sur pied. Je me sens toujours comme au lendemain d’une cuite au mauvais whisky, les pieds ne touchant pas tout à fait le sol, comme si je marchais sur un matelas pneumatique à demi gonflé. L’autre extrémité de mon anatomie n’a pas plus la forme, le cerveau comprimé entre les mâchoires d’un étau rouillé et celles d’un bad trip à l’acide. J’ai l’énergie d’un escargot sur les antidépresseurs.

Durant ma vie, j’ai dû affronter quelques situations difficiles qui m’ont demandé de faire plus d’efforts qu’un homme ordinaire n’est censé faire. Je connais ce sentiment d’être rendu au bout du rouleau et ce foutu virus semble vouloir me faire revivre ces tristes moments.

Je tente de me rassurer en pensant à ma première expérience avec la bête il y a de cela deux ans. Les symptômes s’étaient dissipés plutôt bien, me laissant pour seul relent une anosmie temporaire. Je détestais cette pathologie autant que j’aimais le scotch qui ne me procurait plus aucun plaisir. Mon odorat a graduellement repris ses fonctions avec une sensibilité exacerbée pour la cannelle durant la transition.

Cette fois-ci, mon nez se porte relativement bien. Il en va autrement de mon état général qui tarde à reprendre son service normal. Si j’étais une ligne de métro, je dirais que plusieurs rames ont dû être retranchées, amenant de la congestion et des retards généralisés. Après une seule boucle, les wagons doivent être dérivés sur la voie de desserte pour effectuer un entretien supplémentaire forcé.

Justement, en écrivant ces lignes, l’électricité a décidé de m’imiter en tombant elle aussi en panne, probablement causée par la tempête de neige qui dépose une quantité non négligeable de merde blanche. Je pense à devoir déneiger mon véhicule emmuré par les chasse-neiges. Vous pouvez vous imaginer, cette expectative ne me réjouit aucunement.

Vivre un épisode de Covid au Québec en hiver, ce n’est pas vraiment top. C’est là où je repense à cette offre de jeunesse qui consistait à m’installer en Martinique en compagnie d’une charmante jeune femme d’affaires. La seule condition consistait à devenir son « obligé » sexuel.

Tant qu’à devenir un jour à la merci d’une petite bête, j’aurais dû accepter son offre plutôt que de me retrouver « Covidé ». La preuve qu’étant jeune, on choisit souvent très mal son avenir.

Rétrospective 2023

Les fins d’années sont propices aux rétrospectives de toutes sortes. Chacun y va de son top cinq, top dix, ou plus, dans son domaine de prédilection.

Songe à Charlevoix

Cette tradition me fout un peu dans l’embarras, car je ne me connais pas vraiment de domaines privilégié. Je ne peux donc pas vous rapporter certains faits mieux que les spécialistes le font depuis quelques jours.

Par contre, étant le spécialiste incontesté du Corbot, je pourrais sélectionner quelques articles parmi ceux qu’il a publiés en cette année 2023. Mais question de rester dans la simplicité, je me limiterai à seulement cinq articles qui, selon mes propres critères, valent vraiment la peine d’être lus, ou relus.

Voici donc, en ordre croissant de satisfaction, ces cinq meilleurs textes de l’année.

Cinquième position

L’entame s’effectue avec l’article « Les quatre expressions fétiches des Étatsuniens » publié le 27 mai 2023.

Qu’on le veuille ou non, nous sommes tous envahis par des films ou séries télévisées étatsuniennes. À force de les écouter, j’en ai extrait quatre expressions redondantes, voire sciantes. Et en rajoutant un « h » au bon endroit, vous obtiendrez mon opinion réelle sur celles-ci.

Quatrième position

Pour rester un peu dans le même sujet, c’est-à-dire la culture étatsunienne, j’ai fait paraitre « Le paradoxe Thanos » le 3 mars 2023.

Le sempiternel combat du bien contre le mal prend une tournure amère lorsque la solution du méchant garçon semble cependant la meilleure que l’univers pourrait adopter. Malgré la barbarie apparente du geste, couper la jambe d’un gangrené lui sauve parfois la vie, tandis que pleurer son état et ne rien faire le condamne à coup sûr.

Troisième position

Plusieurs peuvent être en désaccord avec mon constat présenté le 27 avril 2023 dans l’article s’intitulant « Comment nous avons perdu le combat pour le climat ».

Pour certains, la lutte n’est pas encore perdue et ce n’est pas le temps de baisser les bras. Pour d’autres dont je fais partie, ce combat est terminé depuis déjà belle lurette et la cause exacte de notre défaite vient tout bonnement de notre…

Deuxième position

Mentir pour protéger ceux qu’on aime est-elle une attitude acceptable ? Je tente de répondre à cette difficile question dans l’article-essai paru le 11 novembre sous le titre « La vérité est-elle bonne pour tous ? »

Première position

J’ai fait paraitre quelques poèmes au cours de cette dernière année. Il s’agit de textes inédits, tous écrits peu de temps avant leur apparition dans mon blogue. L’un d’eux parle des feux de forêt qui ont ravagé ma province au cours de la saison chaude en abordant ce sujet brûlant sous l’angle d’un de ces nombreux pompiers. « Ode au combattant » a paru le premier septembre 2023.

Voilà. J’espère que vous avez aimé leur lecture ou relecture. Bonne nouvelle année à toutes et à tous !

Noël soporifique

Carol of the Bells

Les religions aimaient bien récupérer les fêtes païennes afin de mieux faire passer les transitions d’un mode de croyance à un autre. C’est ce qui s’est produit avec Noël, la célébration de la Nativité. En situant cet événement le 25 décembre, la chrétienté l’amalgamait à la célébration païenne du solstice d’hiver. Petit à petit, le Soleil cessa d’être le centre d’intérêt au profit de la naissance du Christ.

Par la suite, Noël goûta à cette même médecine en perdant son sens religieux au profit d’une fête presque essentiellement commerciale centrée autour d’un personnage fabuleux et fantasmagorique, le père Noël.

Afin de conserver un certain sens du sacré, beaucoup d’efforts ont été effectués pour ramener certaines valeurs morales à l’avant-scène. Au-delà d’un événement religieux, la charité, le partage, le pardon, l’amour et la générosité sont toutes des valeurs qu’aujourd’hui Noël évoque avec fortes insistances.

Ainsi, nous pouvons rendre hommage à ces valeurs universelles, qu’on soit de confession chrétienne ou pas. La « magie » de Noël transforme les gens, ne serait-ce que l’espace d’un instant. Les pingres se voient subitement dotés d’un cœur généreux, les acariâtres deviennent tolérants, les ermites accueillent le voisinage et les menteurs cessent de dire n’importe quoi.

Bien sûr, toute cette bonté ne perdure pas et dès la fête terminée, ce beau monde retourne à ses activités favorites jusqu’au… prochain miracle de Noël.

Une seule journée de bonté dans toute une année, je ne vois pas l’intérêt de fêter victoire. Ce n’est ni plus ni moins qu’un cadeau empoisonné. Noël nous laisse croire que les choses peuvent devenir différentes alors qu’il n’en est rien. Le monde continue d’être égoïste, ambitieux, narcissique, cruel, radin, violent et insensible.

Alors pourquoi devrais-je fêter Noël ? Vous dites que c’est la fête de l’espoir ? Mais pour moi, l’espoir nourrit l’inaction. Si on veut que le monde change vraiment, celui-ci doit cesser de célébrer l’espoir, de recevoir sa dose d’idées soporifiques une fois par année.

Comme par les années passées, cette nuit, je ne célébrerai pas Noël. Je me coucherai tôt et je rêverai plutôt que le monde change vraiment. Ce ne sera qu’un fantasme, direz-vous ! Oui, c’est vrai. Mais je ne me bercerai pas d’illusions, contrairement à ceux qui croient en étant réveillés que Noël changera quelque chose dans leur vie alors que le seul vrai miracle serait qu’eux-mêmes deviennent réellement différents.

La résilience

Même s’ils ne sont pas nouveaux, certains mots arrivent tard dans notre vie. Ç’a été mon cas avec le mot « résilience ».

Berlin sous la neige

Je ne l’avais jamais lu avant qu’il reprenne vie après un long moment à croupir au fond du dictionnaire. Aujourd’hui et depuis quelques décennies, on peut l’entendre et le lire plusieurs fois par jour.

Avant de connaitre sa définition exacte, en fonction des exemples lus ou entendus, je présumais que la résilience était la capacité d’affronter des épreuves et de les transcender en gardant peu de séquelles.

J’ai ensuite consulté mes dictionnaires et dans son sens primaire, il est question de fatigue du métal, de sa capacité à absorber de l’énergie avant sa rupture. Elle caractérise la résistance au choc, elle indique jusqu’à quel point de l’énergie peut être emmagasinée par un corps sous l’effet d’une déformation élastique.

D’autres définitions se sont ensuite rajoutées à partir de l’exemple donné par la physique des matériaux. On parle alors de ressort moral, de la qualité d’une personne à ne pas se décourager, qui ne se laisse pas abattre, qui surmonte les événements de vie difficiles. Ou encore, l’aptitude à affronter un stress intense et à s’y adapter.

Bref, j’avais visé assez juste avec ma propre définition, du moins en ce qui concerne l’aspect psychologique. Alors pourquoi j’étais toujours pris d’un étrange malaise lorsque j’entendais les gens utiliser ce mot ? C’est comme lorsque quelqu’un parle d’une personne « versatile » plutôt que « polyvalente », mes oreilles s’échauffent. Avec « résilience », j’avais un effet semblable alors que les interlocuteurs l’utilisaient apparemment adéquatement. Victimes de guerres, ou de catastrophes naturelles, celles-ci étaient qualifiées de « résilientes » par les commentateurs, les journalistes, les animateurs de radio et de télé.

Et un jour, j’ai finalement compris la cause de mon malaise. Chaque fois que je lisais ou j’entendais ce mot, c’était dans le cadre d’événements d’actualité. Les animateurs parlaient de la grande résilience des victimes interviewées face aux catastrophes de tout acabit. Mais comment parvenaient-ils à jauger leur degré de résilience uniquement sur la base de quelques déclarations captées sur le vif alors que la poussière virevoltait encore partout ? Comme pour la versatilité et la polyvalence, mes oreilles entendaient l’expression « résilience », mais en fait elles auraient voulu entendre « résistance ».

Résistance est l’un des synonymes de résilience, mais ces deux mots ne sont pas équivalents. La résistance se caractérise par une réaction immédiate à un choc. Mais est-ce de la résilience pour autant ? Vraiment pas. Il faut du temps pour constater l’existence d’une résilience. Ou encore, elle apparait (ou pas) sur une longue période durant laquelle plusieurs événements difficiles se succèdent. Presque toutes les personnes victimes d’un traumatisme auront offert de la résistance, mais seules celles qui parviendront par la suite à vivre le plus normalement possible seront résilientes.

Tous les mots commençant par « R » ne sont pas Résilience

Toutes les catastrophes nous affectent. Nous nous en sortons transformés, jamais identiques à ce que nous étions avant qu’elles ne surviennent. La résilience ne se caractérise pas par l’absence de séquelles, mais par celles qui nous permettront encore de vivre sans trop affecter notre bien-être ni notre entourage. Et dans les cas les plus remarquables, de vivre encore mieux, de devenir meilleur.

Parler de résilience au lendemain d’une catastrophe est, selon moi, une impropriété. Et, sincèrement, seuls les proches immédiats des victimes pour qui leur regard est parfois plus juste, peuvent décemment les qualifier de résilientes.

Ne pas voir devant soi et pourtant garder espoir

De toute façon, faire montre d’une grande résistance n’est pas moins glorieux que de montrer une grande résilience, même si on peut facilement penser le contraire, puisque la résilience ne se tient pas sur les épaules de la résistance, ce sont deux échelles parallèles. Une personne peut présenter une grande faiblesse face à l’adversité et pourtant, elle peut ensuite poursuivre sa vie sans problèmes. Comme il est possible de fortement résister et ensuite de chuter et de ne pas être en mesure de se relever, le syndrome du choc post-traumatique en est un bon exemple.

Un autre exemple, on peut très bien résister à une pluie d’insultes mais ensuite en être profondément affecté, tout comme on peut difficilement les encaisser, comme une injustice, mais par la suite ne pas tout remettre inutilement en cause.

Alors, j’invite tous les commentateurs, tous les journalistes traitant de l’actualité à se rabattre sur le mot « résistance » plutôt que d’utiliser « résilience » pour parler de la capacité immédiate à subir des chocs sévères, et de conserver ce dernier pour des reportages ayant pour objectif de montrer la façon dont les personnes ont passé à travers les épreuves une fois qu’elles sont derrière elles ou lorsqu’elles ne cessent de pleuvoir.

Et le Corbot dans tout cela ? Est-il résistant, résilient, aucun des deux, les deux ? Ne me le demandez pas, demandez-le plutôt à mes proches. Ce n’est pas inutilement que j’ai grandement restreint mon cercle social, vous en trouverez peu qui répondront n’importe quoi.

La vérité est-elle bonne pour tous ?

Dans mon précédent article traitant de la fatigue, je concluais sur le principe que la vérité m’a aidé à tracer mon chemin parmi mes difficultés et que me la cacher n’aurait pu que me perdre et retarder mon processus de guérison. Mais est-ce le cas pour tout le monde ?

Sombre piège

À mon avis, la vérité est bonne pour tous. On est porté à cacher la vérité auprès d’une personne qu’on considère comme étant une sorte d’enfant, vulnérable, une personne à protéger, quitte à lui mentir, un moindre mal, pense-t-on. Mais que se cache-t-il sous cette belle excuse ?

Malheureusement, mentir, même à un enfant, n’est pas la solution. C’est une marque de faiblesse de l’adulte qui préfère mentir, une solution simple, plutôt que de trouver une façon élégante et adéquate de lui dire la vérité.

Élever un enfant dans le mensonge fera inévitablement de lui un menteur. Alors, la prochaine fois que vous hésiterez en pensant protéger votre progéniture en lui cachant la vérité, sachez que vous lui donnez le parfait exemple de ce que vous ne voulez pas qu’il devienne plus tard.

Oui, la vérité est bonne pour tous, seules les façons de la dire ne sont pas toujours adéquates. Évitez la facilité, creusez-vous les méninges et osez dire la vérité de la meilleure manière que vous pouvez imaginer. Un enfant saura vous pardonner une déclaration maladroite mais véridique, jamais il ne vous pardonnera de lui avoir menti dans le but factice de le protéger alors que la fainéantise ou la couardise en sont la véritable raison. Et que vous le vouliez ou non, votre leurre ne durera qu’un court laps de temps, car il sait d’emblée discerner la différence.

Même les plus pieux mensonges n’achètent pas de la protection, par contre, uniquement et à coup sûr, de la déception.

Fatigué

Songe à Charlevoix

Êtes-vous fatigué ? Pas cette fatigue qui nous prend lorsqu’on dépasse l’heure normale du dodo. Pas cette fatigue issue de l’exaspération de côtoyer des gens idiots ou casse-pieds ou harceleurs. Pas cette fatigue causée par un quotidien morne, répétitif et inintéressant. Pas cette fatigue ressentie à la veille des vacances suivant une période surchargée. Pas plus que cette fatigue causée par le dépassement de nos capacités physiques lors d’une joute ou d’un défi sportif relevé. Non, je parle de la fatigue, de la vraie, de l’épuisement total, du corps qui tire la prise et qui plonge la tête dans le néant.

Êtes-vous fatigué ? Ou l’avez-vous déjà été ? Ou encore, sentez-vous venir cette fatigue absolue que vous parvenez encore à repousser à coups de pied au derrière ou à l’aide de quelconques substances ?

Êtes-vous fatigué ? Car moi, je l’ai déjà été. Je sais comment et pourquoi j’en suis arrivé là. Je sais combien de temps ça m’a pris pour descendre lentement, mais inexorablement dans cet abime. Je connais les premiers, deuxièmes et troisièmes signes avant-coureurs. Je sais aussi combien il faut de temps après le débranchement pour revenir dans le monde des vivants fonctionnels et ensuite pour récupérer ses capacités d’autrefois, compte tenu évidemment de l’avancement en âge.

Je ne crois pas être une exception, mais la fatigue m’a quand même tiré vers le bas durant trois décennies. La pente descendante est lente, elle est longue, mais heureusement, dans mon cas, elle s’est un jour terminée. Cependant, lorsque ma condition a cessé de descendre, eh bien ! mon état était évidemment à son point le plus misérable. Et une fois rendu à ce niveau minimal, personne ne peut prédire combien de temps ça prend pour le quitter et reprendre le chemin vers le mieux-être. Oui, durant longtemps mon état n’empirait pas, mais il ne s’emmieutait pas vraiment non plus. Un état proche du rhododendron ou de l’amanite, plus de l’amanite, parce que personne ne voulait s’approcher de moi.

Et pourtant, malgré mon état dégradé, je n’ai jamais perdu espoir de m’en tirer. J’ignore pourquoi j’avais encore cette force intérieure alors que tout partait à vau-l’eau. Jeune, j’ai vécu de multiples épisodes où j’aurais pu perdre la vie. Je m’en suis toujours tiré grâce un peu à la chance, mais aussi par ma façon relativement calme d’appréhender le danger. Calme n’est peut-être pas le terme le plus exact, car parfois mon cœur battait la chamade. Je choisirai le mot « conscient » en opposition au mot « paniqué ». Conscient de la situation et de son degré de dangerosité.

Même si je n’avais aucune expérience en la matière, je présumais assez bien du danger lié à la fatigue extrême. Je l’acceptais comme une nécessité, ce qui n’était pas faux dans les circonstances.

Combien de temps m’a-t-il fallu pour me remettre de cette fatigue absolue ? Oui, car j’ose croire que j’ai maintenant réussi à me sortir de ce terrible puits sombre. Mes facultés physiques suivent la normalité de mon âge, mais mes facultés psychiques actuelles valent bien celles de mes trente ans.

Je me considère tout de même chanceux d’avoir eu un ratio approximatif de 2 pour 1. Pour chaque deux ans de fatigue, un an de récupération. Donc pour trente ans à abuser du manque de sommeil, j’en compte quinze durant lesquelles ma tête s’est lentement mais graduellement remise à fonctionner normalement.

Pour tous ceux qui pensent qu’il est possible de récupérer rapidement d’un état de fatigue extrême, dites-vous qu’on ne récupère vite que des petits abus. Ceux qui ont perduré demandent une échelle de temps à peu près comparable pour disparaitre, et parfois ce n’est que partiellement.

Ceux qui croient qu’avec ce genre d’évaluation je suis une personne pessimiste n’ont encore rien compris de la réalité. Bien au contraire, je me considère comme une personne très optimiste et la preuve en est que je n’ai jamais capitulé, que je m’en suis sorti, et ce sans jamais me masquer la réalité. La vérité ne doit pas nous effrayer, elle seule peut bien nous guider comme une ligne de survie sur un voilier affrontant les tempêtes. Si la vérité est parfois difficile à accepter, lorsque cette barrière est franchie, plus rien ne peut nous entraver.

Le nez quantique

On a tous appris que le sens de l’odorat fonctionne comme un système de clés-serrures.

Draugen

Les molécules détectables s’insèrent dans des récepteurs capables de reconnaitre leur forme spécifique.

Ce paradigme a été inventé en 1894 par le chimiste allemand Emil Fisher et il a perduré pendant plus d’un siècle. L’idée des clés-serrures était séduisante, car au moment de sa création, la physique quantique n’avait pas encore été élaborée. Elle le sera à partir de 1900 jusqu’à approximativement la fin de la décennie 1920.

En fait, aujourd’hui encore, cet ancien concept de réceptacle à géométrie variable reste largement diffusé même s’il a été à maintes reprises mis à mal par d’éloquents contre-exemples. Le plus connu est celui du ferrocène et du nickelocène, deux molécules de taille et de forme rigoureusement identiques et qui pourtant, engendrent des odeurs bien distinctes.

Noter que l’odorat humain peut compter sur 347 différents récepteurs olfactifs travaillant de concert. Cela signifie que nous ne distinguons pas seulement 347 odeurs différentes, mais bien 2347 combinaisons différentes (multipliez 2 par lui-même 347 fois), plus que le nombre d’atomes dans l’Univers. Le principe de clé-serrure n’est pas vraiment compatible avec l’idée de déclencher plus d’un récepteur par molécule odoriférante.

Alors comment fonctionne notre odorat si ce n’est pas comme une clé qui s’insère parfaitement dans une serrure faite pour elle ? Pour dépasser ce paradigme d’une autre époque, il faut comprendre certains principes de la physique quantique.

À l’échelle des atomes, ceux-ci n’ont pas une localité et une vitesse bien définies. Cela est dû au principe d’indétermination (d’incertitude) qui fait d’une particule un mélange indissociable d’onde-corpuscule ayant la possibilité statistique de se retrouver n’importe où dans l’univers. Un objet quantique comme un atome ou une molécule n’a pas de frontière bien délimitée et son énergie est définie par sa fréquence plutôt que par sa masse et sa vitesse.

Une molécule (odorante) est une onde avec une fréquence de vibration propre ! Étonnant de penser que notre nez ne capte pas une forme moléculaire, mais bien sa fréquence. Cela explique que certaines molécules distinctes aient des odeurs indiscernables puisque leur fréquence de vibration est commune, preuve de cette nouvelle façon de comprendre les odeurs face à l’ancienne basée sur des clés-serrures.

Ces fréquences vibratoires se situent dans l’infrarouge moyen. On ne peut pas les voir et elles sont trop ténues et hors limites pour être perceptibles par nos récepteurs cutanés ou par notre œil. En fait, comprendre que l’odorat est sensible aux ondes infrarouges moyennes explique le gap qu’il y avait dans le spectre des fréquences sensibles par nos différents sens. En effet, cette nature quantique du sens de l’odorat remplit précisément un vide dans le spectre des fréquences détectables par les autres sens du corps humain.

Œil : spectre visible = 0,4 – 1 µm;
Odorat : infrarouge moyen = 1 µm – 3 µm;
Peau : infrarouge lointain = 3 µm – 1000 µm;
Eau : microondes et ondes radio = 1 mm – 100 km;
Oreille : ondes sonores = 10 km – 10 000 km.

Quelle conséquence le quantique apporte-t-il ?

Une conséquence majeure découle de ce changement de paradigme. Si l’odorat détecte les ondes infrarouges émises par les molécules et non directement ces molécules, la conséquence la plus évidente est la vitesse de propagation des odeurs. Une molécule n’a pas besoin de se déplacer spatialement pour être perçue par notre nez puisque ses ondes électromagnétiques infrarouges le font à la vitesse de la lumière. Cela explique comment il est possible de détecter des odeurs dont les molécules n’auraient jamais eu le temps de se diffuser.

Il suffit d’une seule molécule pour générer une onde se propageant quasi instantanément à l’échelle des distances planétaires. Le problème de savoir comment la molécule diffuse vers notre nez devient caduc. Son onde le fait parfaitement bien. Auparavant, je ne comprenais pas comment les requins réussissaient à sentir l’odeur du sang sur de très longues distances alors qu’il n’y avait aucune chance qu’une seule molécule ait pu voyager aussi loin aussi rapidement.

Évidemment, comme tout détecteur, chacun des 347 récepteurs de notre nez possède son degré de sensibilité. Une onde d’amplitude inférieure au niveau faisant réagir ceux d’entre eux qui y sont sensibles ne sera peut-être pas détectée, sauf si l’effet tunnel, une autre bizarrerie de la physique quantique, en décide aléatoirement autrement.

Grâce à la dualité onde-corpuscule des molécules, le transport des odeurs est un phénomène non pas mécanique comme on le croyait autrefois, mais quantique. Les odeurs ne se propagent pas à la vitesse de diffusion des gaz, mais à la vitesse de la lumière. Le concept de clé-serrure a été battu en brèche et il est important de cesser d’y faire référence.

Cet article a été largement inspiré des travaux du professeur Marc HENRY de l’Université de Strasbourg.