Survivre à l’ile aux fesses

Les lacs fourmillent tellement au Québec qu’il semble impossible d’en donner un nombre précis. Tout dépend de la définition de « lac » donnée par les différents auteurs. Disons que les valeurs varient entre cinq-cent-mille et un million.

Certains de ces lacs abritent une ou plusieurs iles. Lorsque l’une d’elles est suffisamment en retrait pour que sa plage reste à l’abri des regards indiscrets, il n’est pas rare qu’elle soit surnommée « l’ile aux fesses ». Vous retrouverez rarement ce toponyme officiel, bien évidemment. Seuls les gens du coin connaissent l’ile en question et généralement sa réputation n’est pas surfaite. On peut imaginer sans peine l’activité favorite des gens qui utilisent une embarcation quelconque pour fouler ses rives.

En haute saison, par contre, si l’intimité est recherchée, il est préférable d’éviter ces endroits. Même mise en garde concernant les enfants, à moins de vouloir leur montrer les choses de la vie.

La météo peut se révéler très capricieuse en territoire montagneux. Un superbe ciel entièrement bleu se transforme rapidement et sans crier gare en un amoncèlement de nuées grises et noires. À cause de l’effet Venturi, les vents se déchainent, les vagues s’empilent, clouant sur place les adeptes de l’aventure extra-conjugale ou de la titillante exploration juvénile.

Un grain ne dure jamais bien longtemps sauf s’il s’agit d’un résidu d’ouragan et dans ce cas, la météo l’a certainement annoncé haut et fort longtemps d’avance. Donc, généralement, il suffit de se mettre à l’abri le mieux possible et d’attendre que le grain soit passé.

Mais avec les cellulaires, il est maintenant facile d’appeler les secours et d’exprimer sa panique alors qu’il suffirait de prendre son mal en patience. Je fus amené à quelques reprises à secourir des gens bloqués sur une ile aux fesses dont leur courte mèche les rendait à risque. Ce faisant, un de mes collègues et moi partions à leur rencontre pour les ramener en pleine tempête. Sans notre intervention, ils auraient essayé de revenir en usant de moyens et de compétences limités plutôt que d’attendre sagement la fin du mauvais temps.

J’ai toujours eu de la difficulté à comprendre les gens qui n’ont aucune capacité à évaluer les différents degrés de danger. Ils bradent les solutions les plus avantageuses pour adopter celles qui leur feront courir les plus grands risques. En me mettant personnellement en péril pour leur venir en aide, j’acceptais ce triste constat. L’humain moyen a perdu ses anciennes facultés de survivre qui le préservait autrefois de la plupart des aléas ou, s’ils survenaient, d’éviter de les aggraver inutilement.

Agir avec étourderie n’est plus un comportement risible, c’est devenu la norme. Et lorsque la situation devient grave, presser le bouton « panique » sans préalablement réfléchir aux meilleures options ramène l’adulte à agir comme un jeune enfant. Ensuite, les imprudents ou les impatients supplient ou exigent d’être secourus en blâmant les événements et tout le monde, sauf eux-mêmes.

De par son mode de vie aisé, l’humain s’est considérablement ramolli. Le jour où sa survie redevient indispensable, le temps n’est pas à l’apprentissage, mais à la débrouillardise intelligente.

Espérons que les quelques individus qui resteront bloqués sur l’une ou l’autre des iles aux fesses cet été finiront par comprendre qu’il suffit de patienter. Et dans l’attente, le mieux qui leur reste à faire s’avère certainement d’honorer le surnom donné à ces iles.

D’ailleurs, « survivre à l’ile aux fesses » consiste aussi à s’y reproduire, pas seulement à s’en extirper.

Une ile aux fesses est présente sur cette photo

Combien d’humains ?

Aujourd’hui, je veux m’attarder sur le nombre maximal d’êtres humains pouvant permettre une cohabitation harmonieuse avec les autres espèces et une prise en charge efficace de nos impacts environnementaux pour les réduire, les minimiser et les annuler.

SI vous lisez mes articles en horizontale plutôt qu’en diagonale, vous avez remarqué que j’utilise régulièrement le nombre «milliard» pour désigner ce que je considère comme étant la limite du nombre acceptable d’humains sur Terre. Au-delà, je crois qu’il devient impossible de garder le contrôle sur ses bonnes et ses mauvaises idées.

En fait, j’arrondis le nombre que j’ai réellement en tête puisque je l’évalue en réalité à sept-cent-millions. Je ne me suis pas adonné à faire de savants calculs pour en arriver à cette valeur, elle provient de mon subconscient qui me le souffle. Méthode très peu scientifique, j’en conviens, toutefois ce nombre provient probablement de plusieurs dizaines d’années de lectures scientifiques à partir desquelles mon cerveau l’a déduit.

Ce nombre correspond à la moitié de la population chinoise ou à la moitié des Indiens. Il est presque équivalent au nombre d’Européens en incluant les Russes. Imaginez une population mondiale du dixième de l’actuelle valeur.

Nuages_13

Oui, rasez neuf maisons sur dix en y laissant ses habitants à l’intérieur et vous verrez mieux à quoi votre quartier ressemblerait. Ça semble horrifiant et pourtant l’espace libéré est celui nécessaire pour voir prospérer les plantes et les animaux. Je ne parle pas des bêtes d’élevage ou des plantes de culture qui, inévitablement, ramènent la pauvreté des espèces. Je parle des plantes et bêtes sauvages à qui nous avons tout enlevé et surtout leur droit de vivre.

Je crois sincèrement à l’arrivée subite d’une forme d’éradication de l’espèce humaine. Les causes probables sont nombreuses et nous ne pourrons pas toutes leur échapper encore très longtemps. Bien au contraire, je pense à une série dramatique d’événements qui s’enchaineront en cascade à des moments rapprochés.

La plupart des effets d’entrainement liés aux catastrophes restent encore inconnus. Nous n’en percevons que quelques-unes, les plus évidentes, les plus faciles à associer. Nous en extrapolons d’autres, les plus susceptibles de découler des premiers effets. Mais au-delà de deux paliers de conséquences, notre boussole perd ses repères et tout devient spéculations. Pourtant, il est évident que la Nature ne se contente pas de deux simples paliers de causes à effets.

La signification profonde de cette phrase consiste à dire qu’il existera bien plus d’effets négatifs que ceux raisonnablement imaginables. Toutes les prétendues catastrophes actuelles ressembleront à des pétards mouillés lorsque la machine environnementale globale décidera de se dérégler pour de bon.

COucher-de-soleil-sur-Montréal-2

L’absence de précédents reste l’élément le plus dangereux de la situation actuelle. Comment alerter la population alors que les preuves manquent? Car pour obtenir des preuves, ça prend des précédents et ils n’existent pas. Il est si facile de penser que certains lanceurs d’alerte parlent sans connaissance de cause, car incapables d’aligner la moindre preuve de leurs allégations. Bien évidemment, l’alerte n’est pas infondée, elle s’appuie sur des données ayant subi une extrapolation, c’est-à-dire une déduction basée sur des valeurs réelles précises et une connaissance minimale du fonctionnement du système et de ses interactions. Ces lois accompagnées de données fiables permettent de générer des prévisions raisonnablement justes.

Ceux qui crient à la fumisterie n’ont jamais rien compris à la façon dont la science peut engendrer des prévisions sérieuses sans avoir absolument à retrouver des événements passés similaires. L’empirisme n’explique pas, la science oui. Voilà ce qui distingue ces deux façons de voir le futur à partir du présent et du passé. Voilà pourquoi la science peut prévoir assez justement des futurs inédits, contrairement à l’empirisme qui doit se contenter d’événements antérieurs connus pour baser leurs futurs.

Les scientifiques du GIEC, le Groupe d’expertise et de conseil intergouvernemental sur l’évolution du climat, sont condamnés à l’impopularité. On les traite d’alarmistes, alors ils revoient leurs scénarios à la baisse en éliminant les pires scénarios de leur liste. Et lorsque la planète finira par se rebeller, les effets risquent de dépasser largement leurs prévisions édulcorées et ils seront blâmés une fois de plus pour ne pas avoir tiré suffisamment fort la sonnette d’alarme.

Les auteurs des rapports de ces études ont pleinement conscience du paradoxe. La psychologie humaine préfère le déni en bloc si les conséquences annoncées deviennent trop graves. À l’autre extrémité, l’humain banalise les conséquences peu alarmistes, car elles doivent mériter qu’il délaisse ses préoccupations quotidiennes.

Le GIEC joue donc à trouver le point d’équilibre où l’humanité sera conscientisée et alarmée juste assez pour qu’elle agisse, tout en évitant l’anodin pour qu’elle se sente concernée, ainsi qu’en évitant de parler du pire pour éviter son décrochage.

Montréal_8.jpg

Cette attitude fragile de mes «semblables» me désole au plus haut point. Nous ne faisons pas partie d’une espèce évoluée lorsqu’il faut sauver la chèvre, le loup et le pasteur en mentant à eux tous, en les flattant dans le sens du poil et en leur parlant comme à des enfants en bas âge afin d’éviter qu’ils tapent des crises de nerfs.

Pour ces raisons, l’humanité n’est pas prête à affronter de graves bouleversements. Notre nombre tombera en flèche et cette hécatombe sera principalement causée par nous-mêmes. Paniqués, nous nous en prendrons à nos semblables, nous les dépouillerons, nous les laisserons sans ressources et les pires d’entre nous massacreront des villages et des villes entières. Plus que tous les fléaux apportés par la Terre, nous prouverons une fois encore que le pire cataclysme de tous les temps, fut, est, et sera encore et toujours… l’humain.

Le silence pour contrer les dérèglements climatiques

Je me souviens, voilà plus de trois décennies maintenant, j’écoutais régulièrement la météo sur une chaine spécialisée de télévision. Le débat sur les récents dérèglements climatiques n’avait pas encore atteint la population. Seuls quelques spécialistes osaient avancer cette éventualité surtout basée sur des appréhensions plutôt que sur des mesures. D’ailleurs, l’expression anglaise global warming a été évoquée pour la première fois par un climatologue dans la revue scientifique Science en 1975.

Soir après soir, je prenais connaissance des données météo constatées durant la journée et des prévisions pour les prochains jours. J’étais consterné de noter le nombre effarant de journées où l’on battait différents records de toutes sortes. Plus haut ou plus bas maximum, plus haut ou plus bas minimum, nombre d’heures d’ensoleillement mensuel, vitesse de pointe des vents, etc. Les météorologues nous répétaient également que rien d’affolant n’était en train de survenir puisque les moyennes des données restaient plus ou moins inchangées.

J’étais sans connaissance! Je me disais qu’ils devaient tous être tarés ou innocents pour déclarer ce genre d’ineptie. On ne peut pas constamment battre des records sans que rien d’important soit en train de survenir. Prenons un objet simple, une balançoire dans un parc. On connait sa position au repos qui correspond également à sa position moyenne lorsqu’elle se balance. La force de l’élan ne change pas cette position moyenne. On peut donc croire que rien d’important ne se produira, peu importe la poussée appliquée à la balançoire, puisque sa position moyenne reste identique. Et pourtant, on sait tous pertinemment que c’est faux puisque les positions extrêmes atteintes par la balançoire deviendront de plus en plus critiques avec l’ampleur de la poussée. Et finalement, elle cessera de balancer pour décrocher de sa trajectoire pendulaire. Le pendule s’est déréglé.

Pourtant, les météorologues persistaient dans leurs déclarations. Avaient-elles pour but d’éviter la panique dans la population? Si c’était le cas, ils ont parfaitement réussi puisque aucune panique n’est survenue, mais aucun plan d’action pour renverser la tendance n’a émergé de ces années d’indolence jusqu’à aujourd’hui.

Ils auraient mieux fait de nous alerter et même de nous alarmer. Mais un météorologue n’est pas nécessairement un climatologue. Comprendre les cycles moyens et longs des températures ainsi que leurs causes afin de les prévoir n’entrent pas dans les attributions de ceux qui doivent nous livrer leurs prévisions pour les prochains jours, et au mieux les tendances probables pour la prochaine saison.

Sans totalement les blâmer, je ne les excuse pas pour autant. Si les dérèglements du climat ne faisaient pas partie de leurs champs de compétence, l’analogie avec la balançoire aurait dû les interpeller. À partir de ce point, ils auraient pu en référer à des autorités compétentes. Leur silence coupable a engendré une nonchalance toujours présente, puisque les dérèglements climatiques ne font pas encore partie de nos plus grandes préoccupations et ils le devraient depuis plusieurs dizaines d’années maintenant. La tendance actuelle aurait pu être renversée bien plus tôt.

Plusieurs climatologues croient de toute façon que cette balançoire est maintenant trop déréglée pour l’empêcher de décrocher. Les concentrations de CO2 et de CHactuelles engendrent des hausses de température suffisamment importantes pour permettre la libération accélérée de ces mêmes gaz actuellement piégés dans les pergélisols et les fonds océaniques. On appelle ce phénomène un emballement thermique puisque la hausse des températures engendre une hausse encore plus grande des températures et aucun autre phénomène naturel n’est suffisamment important pour contrer cette boucle réactive fatale.

La pensée magique anime les politiciens du monde entier. Placer un bandeau sur ses yeux ne fait pas disparaitre la Lune, pourquoi le ferait-il avec les changements climatiques? Le silence déployé comme solution nous mènera tout droit à des temps de grande noirceur.

La vérité, aussi dure et laide soit-elle, ne causera jamais autant de torts que son ablation. Mais certains croient encore qu’il faut tempérer les états d’âme des citoyens pour préserver la paix sociale. Dans un certain sens, ils n’ont pas tort, car quoi de plus pacifique qu’une humanité entièrement disparue?