Origines oubliées de 5 mots (F à J)

Il existe un précédent article dans lequel je donne l’étymologie de cinq mots commençant par A à E. Je poursuis maintenant cette liste en vous proposant cinq autres mots communs dont chacun commence par l’une des cinq lettres F à J.

Silent Footsteps

Les origines obscures ou bizarres que vous lirez montrent comment le langage peut parfois évoluer d’une manière surprenante. Comme pour l’évolution des espèce, le langage est influencé par son environnement. L’utilisation des anciennes définitions finit par se raréfier avant de disparaitre totalement.

Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.

Voici donc ces cinq prochains mots accompagnés de quelques remarques personnelles.

F : fée (nom féminin)

Définition moderne : Être imaginaire de forme féminine auquel la légende attribue un pouvoir surnaturel et une influence sur la destinée des humains.

Étymologie : XIIe siècle, du latin Fata, déesse des destinées, antonomase de fatum, le destin, prédiction, oracle, la fatalité, la destinée qu’elle soit heureuse ou funeste.

Commentaire : Autrefois, le fatum concernait autant les bonheurs que les malheurs. On peut cependant s’imaginer une préférence pour les drames puisque chaque destin se termine nécessairement par une mort. Aujourd’hui, le rôle d’une fée est souvent positif, une bonne fée. On le constate avec l’invention du mot « féérie ». Il n’existe pas de féérie affreuse créée par une méchante fée. Toutefois, il ne faut certainement pas négliger les fées maléfiques que sont Carabosse et Morgane (Morrigan), la fée du destin.

G : gâcher (verbe transitif)

Définition moderne : Travailler grossièrement, sans soin. Bâcler, cochonner, saloper un travail.

Étymologie : XIIe siècle (gaschier), laver, détremper. XIVe siècle « délayer » du plâtre ou du mortier pour aider à mieux le travailler.

Mais dès le XIIe siècle, on utilise aussi le verbe « gâcher » (guaschier) dans le sens de « souiller moralement » ou « éclabousser ».

Commentaire : Il existe deux mots « gâche » distincts dont l’un a donné naissance au mot « gâchette ». L’autre est le déverbal de « gâcher » dans le sens du verbe « délayer ». La gâche est alors un outil utilisé par les maçons, les plâtriers et les pâtissiers, ou encore leur action de gâcher. Gâcher avait donc pour but de retravailler les matériaux en rajoutant un liquide pour les rendre malléables.

En revanche, l’expression populaire « gâcher la sauce » reprend la définition moderne inscrite ci-devant. Le résultat est alors un vrai gâchis.

Est-ce le fait de rendre une substance pâteuse en l’éclaboussant qui a amené le sens figuré péjoratif de souiller et ensuite de saloper, de bâcler ? Les dictionnaires consultés n’apportent que peu de précisions sur ce point.

H : habit (nom masculin)

Définition moderne : Ensemble des vêtements qui couvrent un corps.

Étymologie : XIIIe siècle, du latin habitus signifiant « maintien ». Le mot habere signifie « avoir », dans le sens de « se tenir », d’où la « tenue » comme dans « tenue de gala ».

Commentaire : Le premier usage du mot « habit » concernait des vêtements de religieux. Ce sens est encore conservé dans les termes « prise d’habit » et « prendre l’habit ». Comme on peut le constater, le vieil et toujours populaire adage « l’habit ne fait pas le moine » utilise le singulier, alors qu’aujourd’hui on utilise principalement sa forme plurielle. Le terme « mes habits » signifie parfois l’ensemble de mes vêtements tandis qu’un habit pour homme est un ensemble veston et pantalon.

Habit et habitude sont parents. D’ailleurs, en anglais, habit signifie « habitude ». De fait, se vêtir d’habits constitue une excellente habitude !

I : insulter (verbe transitif)

Définition moderne : Attaquer quelqu’un par des propos ou des actes outrageants.

Étymologie : XIIIe siècle, du latin insultare, « faire assaut contre », « sauter sur ».

Commentaire : Ce terme avait autrefois un sens d’action physique tandis qu’aujourd’hui il est presque toujours utilisé pour décrire une action verbale. L’exception étant peut-être la gifle représentant effectivement une insulte par un assaut physique. « Insulter » est synonyme d’« injurier », proférer une injure, faire un affront, une offense, un outrage, vexer.

J : joue (nom féminin)

Définition moderne : Partie latérale de la figure humaine ou de la face des animaux située entre le nez et l’oreille, sous l’œil et au-dessus du menton.

Étymologie : Étrangement, ce mot simple et très courant possède des origines plutôt incertaines. En 1080, l’usage de joe est confirmé. Puis survient « joue » vers 1273. Mais sa provenance avant le XIe siècle reste nébuleuse. Ce mot vient peut-être du prélatin (gaulois ?) gaba également à l’origine du mot actuel « gave », l’action de gaver, de remplir les joues.

Commentaire : Étrangement, la joue est l’endroit idéal autant pour recevoir un baiser qu’une gifle. Elle rougit ou accueille les larmes. L’adjectif « jugal » désigne tout ce qui se rapporte à la joue, dont les os et les ligaments jugaux. La joue désigne également la paroi externe de la bouche. Une personne aux joues proéminentes est joufflue. Lorsqu’elles sont grosses en pendantes, elle a des bajoues ou des abajoues. Et qui ne se souvient pas du grand succès de ce cher disparu Charles Aznavour dans lequel il chantait « Dansons joue contre joue » ? C’est beaucoup plus romantique que mettre quelqu’un « en joue ».

Pour conclure : 

Mes joues sont devenues écarlates lorsque la fée Morrigan a gâché ma soirée au moment où elle m’a insulté par rapport à la vétusté de mes habits.

Origines oubliées de 5 mots (A à E)

J’ai déjà écrit quelques articles sur l’origine des noms donnés à des éléments chimiques. Je déborde maintenant de ce cadre très restreint pour vous proposer d’apprendre les origines de vingt-six mots communs commençant par chacune des premières lettres de l’alphabet. Je les ai séparés en cinq articles dont voici le premier.

Sky Above, Voices Within

Les origines obscures ou bizarres que vous lirez montrent comment le langage peut parfois évoluer à pas de tortue, mais il peut aussi bondir comme un lièvre. Sans trop s’en rendre compte, les sens antérieurs finissent par disparaitre de nos discours et de nos écrits pour laisser toute la place aux nouveautés qui expriment bien souvent des réalités très différentes.

Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.

Voici donc ces cinq premiers mots accompagnés de quelques remarques personnelles.

A : affinité (nom féminin)

Définition moderne : Rapport de conformité, de ressemblance ; harmonie de goûts, de sentiments entre personnes.

Étymologie : Du latin adfinitas (affinitas) signifiant « voisinage » ou « parenté par alliance », mais aussi de adfinis signifiant « limite ».

Commentaire : Cela nous rappelle l’importance antérieure de l’entourage immédiat, qu’il provienne de mariages ou qu’il s’agisse des voisins. 

Dans des siècles éloignés, la famille et les voisins devaient tous penser de manière semblable et se tenir les coudes. Par nécessité de sécurité, les proches devaient adapter leurs goûts et sentiments afin de combattre l’adversité. Autrefois, les affinités possédaient nécessairement des limites quasi infranchissables où au-delà, la cohésion était compromise, car le contrôle ne pouvait s’exercer efficacement.

Aujourd’hui, la cause et l’effet sont inversés. Les affinités précèdent les relations, elles aident à sélectionner ceux qui deviendront nos amis parmi les voisins et les collègues, et ceux que nous choisirons pour tenir le rôle de conjoints ou d’amants (et plus si affinités).

B : baraqué – baraquée (adjectif)

Définition moderne : Bien bâti, en parlant du corps d’une personne.

Baraque (nom)

Étymologie : XVe siècle. De l’italien baracca et de l’espagnol barraca signifiant « hutte en torchis ».

Au XVIIe siècle, « se baraquer ou baraquer » ; (s)installer dans des baraques. « Baraqué » signifie « bien installé dans des baraques ».

1954, glissement subit du mot baraqué vers le bâti imposant d’une personne, sa carcasse, sa charpente.

Commentaire : D’une simple hutte, la baraque devint une construction en planches principalement construite pour y abriter temporairement des troupes. Le glissement vers son sens moderne s’explique peut-être par les utilisateurs des baraques, les baraqués, des soldats probablement bien constitués et à forte charpente, sûrement pas de la piètre solidité des baraques.

C : client – cliente (nom)

Définition moderne : Personne qui requiert des services moyennant rétribution.

Étymologie : Antiquité : plébéien qui se mettait sous la protection d’un patricien appelé « patron ». En échange de son dévouement, le client recevait la protection du patron.

Un peu plus tard, généralisation du mot client dans le sens d’un « protégé ».

Commentaire : On pourrait noter une énorme dissemblance aujourd’hui entre un protégé et un client ! Dans la Rome antique, un client était plus ou moins un employé ou un esclave au service d’un patron qui pouvait adopter envers lui certaines pratiques peu recommandables. À cette époque, le client ne se rapportait pas à l’usager d’un commerce.

Aujourd’hui, le client d’un commerce ne doit rien avant l’achat, on le dit même roi. Son dévouement et sa fidélité envers les commerçants sont sujets à être changeants et éphémères.

Étrange que les commerçants modernes appellent les clients « patron » puisque la clientèle ne reçoit aucune protection du commerçant contre ses abus ou ses pratiques illégales, même s’il prétend haut et fort le contraire. L’important est que ces clients crachent le maximum d’oseille et qu’ils obtiennent en retour un minimum de marchandises ou services. Et pour régler le problème de son papillonnage, les commerces ont inventé les cartes-fidélité qui les encouragent (les forcent) à retourner dans les mêmes commerces en échange de babioles qu’ils auraient très bien pu se passer.

Finalement, un client moderne ressemble étrangement au client romain d’autrefois. On l’a dépouillé de tous ses pouvoirs, il dépend d’un système où il n’a rien à dire, on lui fait croire qu’il reçoit de la protection en échange de sa fidélité absolue et on la récompense avec des cacahuètes.

D : débattre (verbe transitif)

Oui, ce verbe existe aussi sous la forme pronominale « se débattre », mais je ne l’aborderai pas.

Définition moderne : Examiner contradictoirement quelque chose avec un ou plusieurs interlocuteurs.

Étymologie : XIe siècle : dé- et battre « battre fortement ». Ici, le préfixe « dé- »  utilise le sens latin de renforcement d’une action, comme dans décupler ou délaver.

Commentaire : Certains auteurs modernes font parfois un autre lien étymologique. Ils utilisent l’autre sens du préfixe « dé- » celui de négation ou d’absence. Ainsi, pour eux, « débattre » prendrait le sens de « cesser de se battre ». Ainsi, l’usage des mots pourrait détrôner l’emploi d’armes dans la résolution des conflits. Mais cette interprétation apparait fausse même si aujourd’hui, débattre réfère toujours à des joutes de nature orale ou écrite. « Débattre » dans le sens de « battre fortement » n’a plus d’usage.

E : environnement (nom masculin)

Définition moderne : Ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines.

Étymologie : An 1300, « contour ». Réf. « environner ». Aussi « circuit ». Des gardes exécutant leur tour de ronde empruntent un circuit, se déplacent le long d’un contour afin de surveiller les environs, leur environnement.

Commentaire : Aujourd’hui, l’environnement est certainement le sujet de l’heure et probablement qu’il le restera jusqu’à notre disparition de cette Terre. Il concerne l’air que nous respirons, nos aliments, nos conditions de logement, la biodiversité, les conditions météorologiques, les volcans et la tectonique des plaques ainsi que l’état des océans, lacs et rivières. À cela, il faut rajouter les conditions de vie, l’emploi, l’économie, la politique, l’éducation, la santé et les relations sociales. L’environnement est tout ce qui nous baigne, peu importe sa nature et sa fonction. Puisqu’il s’étend maintenant à toute la planète, l’environnement n’est pas qu’environnant ni circonscrit. Il a perdu tout contour et il ne présente plus aucun circuit à parcourir.

Alors, pourquoi ne pas remplacer « l’environnement » par « le tout » ? Ce terme raccourcirait grandement la longueur de nos communications et ceux qui se fourvoient sur le sens moderne exact du mot « environnement » risquent de plus facilement comprendre « le tout », car après l’environnement, au-delà du « tout », il n’y a « rien ».

Pour conclure : Je me suis découvert des affinités avec un client baraqué après avoir débattu sur l’environnement.

Le mot qui insulte

J’ai récemment écrit un article intitulé « N comme dans Noir ». Il fait partie d’une série où je décris les particularités d’une lettre et d’un mot commençant par celle-ci.

On m’a félicité de ne pas être tombé dans le piège d’y incorporer le fameux mot n… qui insulte. Pour ma part, le mot « noir » est suffisamment riche pour ne pas empiéter sur un autre mot même s’il existe une forte corrélation entre les deux.

Paint it, Black
Danny Laferrière, membre de l’Académie française et auteur de « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer»

Ce n’est que très récemment que le fameux mot « nègre » a pris une connotation exclusivement insultante. C’était déjà le cas si ce terme était utilisé par un non-noir, mais étrangement un individu de la communauté noire pouvait l’utiliser en toute légitimité sans aucune connotation négative. Bien étrange et passablement inquiétant qu’un mot présente un tel clivage en fonction de la couleur de la peau de celui qui le prononce, comme si le bronzage permanent transparaissait à travers une feuille de papier ou dans un extrait audio. Et quel degré de coloration était-il requis pour passer le cap de la permission ?

Nègre

Vieilli, péj.(Terme raciste et injurieux, sauf lorsqu’il est employé par les Noirs eux-mêmes)
Dictionnaires Le Robert – Le Grand Robert de la langue française

Corriger cette bizarrerie lexicale en généralisant son attribut négatif m’apparait très sensé. C’est la prérogative de l’évolution du langage de modifier la façon dont on interprète les mots et expressions au fil du temps. En ce sens, je conçois, j’accepte et j’approuve sans réserve ce changement. Il ne faut cependant pas oublier les usages de ce mot juste avant cette crise terminologique.

Je suis profondément persuadé et les études ADN le confirment, la grande famille des homo sapiens n’est constituée que d’une seule race. Donc pour moi, le mot raciste est un non-sens au même titre que les gens aux yeux verts ne constituent pas une race à part entière, les cheveux roux, les jambes arquées et les nez aquilins non plus, pas plus que les gens à la peau noire qui est d’ailleurs rarement proche du noir. Alors quand provoquera-t-on les mêmes esclandres autour de l’usage toujours en vogue, mais parfaitement injustifié du mot « racisme » ?

Arrêter d’utiliser le mot « nègre » pour parler d’une certaine population humaine est une décision intelligente. Ce qui l’est moins, consiste à haranguer les gens qui en parlent à propos des écrits du passé au moment où ce terme était encore socialement acceptable et accepté. Les éléments d’archives ne peuvent être brûlés, ignorés ou mis à l’index parce que ce terme y apparait.

On explique le contexte, l’histoire, l’évolution des pensées et tout le monde sera en mesure de comprendre le bien-fondé de ne plus utiliser ce terme sans essayer de faire croire que ce mot n’a jamais existé en affublant sa lettre d’entame de points de suspension… Esquiver la question plutôt que de donner des explications claires est digne de l’âge de l’inquisition et de sa grande… noirceur.

Aucun mot ne devrait nous apeurer ni nous faire peser des menaces s’il est justifié et utilisé dans le bon contexte et pour les bonnes causes. On peut débattre de ces derniers dans le respect et l’ouverture d’esprit, on peut diverger d’opinion et même camper sur ses positions, mais à court d’arguments, menacer, devenir extrémiste pour s’arroger une futile victoire non méritée fait d’eux des terroristes de la langue.

Ainsi, tous ces bien pensants qui montent aux barricades sans rien comprendre, sans évaluer la situation, sans réfléchir une seule petite seconde, méritent précisément ce pour quoi ils pensent combattre, une bonne insulte en pleine figure. Personnellement, je choisirais l’un ou l’autre des synonymes incolores du mot « idiot ».

N comme dans Noir

Je poursuis ma série d’articles dédiés à un mot commençant par une lettre précise. Aujourd’hui, je m’attaque au « N » et à son mot associé, le « noir ».

La lettre « N » est la quatorzième lettre et la onzième consonne de l’alphabet. Elle est une consonne nasale alvéolaire voisée et son signe dans l’alphabet phonétique international (API) est [n]. Il est simple à prononcer ce qui le fait apparaitre dans de nombreuses langues.

Dans le système international (SI), le N est utilisé pour l’unité du newton, une mesure de force. Quant à sa lettre minuscule n, elle apparait comme le facteur multiplicatif « nano » valant un milliardième (10-9) de l’unité. Ainsi, nN signifie nano newton.

Le tableau périodique des éléments utilise la lettre N pour désigner l’azote, nitrogen en anglais. Sept autres éléments chimiques ont des symboles commençant par N dont les plus connus sont le néon (Ne) et le nickel (Ni).

On utilise le n ou le N comme abréviation dans plusieurs domaines. N désigne le nord, les nombres naturels (ℕ) ainsi que la quantité de neutrons. Les deux isotopes de l’uranium, 235U et 238U ont bien sûr le même nombre de protons, celui de son numéro atomique valant 92. Cependant, ces deux isotopes ont un nombre de neutrons N = A – Z, soit le nombre total de nucléides (A) moins le nombre de protons (Z). Donc, N = 143 neutrons et N = 146 neutrons pour les deux isotopes les plus connus de l’uranium.

Quant à la lettre minuscule n, en mathématique elle sert généralement à désigner un nombre quelconque comme dans n + 1, 3n, √n, etc.

Dans mon dictionnaire, je recense 1 951 entrées commençant par cette lettre et parmi celles-ci, une seule aura l’honneur d’être traitée dans cet article, le mot « noir », dont sa prononciation est [nwaʀ].

Petit mot de quatre lettres, le noir est souvent considéré comme étant une couleur alors qu’il est exactement son inverse, une absence totale de couleur. La confusion provient souvent des encres noires utilisées en peinture et en imprimerie. Afin d’alléger cet article, je ferai un abus de langage en utilisant sciemment le terme « couleur » avec « noir » puisque de toute manière, il n’existe pas de noir parfait, à une seule exception près.

Un noir dit parfait ne réfléchit ni n’émet aucune lumière visible et le seul objet ayant cette unique propriété dans la nature est un trou noir. Mis à part cet objet céleste exotique, il existe sur le marché une peinture capable d’absorber 99,4 % de la lumière visible. Son nom commercial est « Musou Black ». Pour un objet conçu par l’humain, en l’occurrence par les Japonais, il fracasse tous les records d’albédo avec une valeur de 0,006. Attendez-vous cependant à débourser un montant non négligeable, mais tout de même accessible, pour un flacon de seulement 100 ml de cette peinture particulière. Je partage un lien YouTube qui vous fera voir son énorme pouvoir absorbant.

Dans la nature terrestre, le noir est la couleur de la nuit mais aujourd’hui, peu importe l’endroit où nous nous tenons, il existe bien peu de chance que nos yeux ne voient absolument rien. La Lune, les étoiles ou la pollution lumineuse quasi généralisée parviennent presque toujours à éclairer un pan de notre environnement. Les bâtonnets de nos yeux s’habituent graduellement à la noirceur nocturne et même si les formes révélées restent floues, leur mouvement devient aisément visible. Heureusement, car nos ancêtres utilisaient très souvent cette sensibilité pour survivre aux attaques des prédateurs possédant, eux, une excellente vision nocturne.

Les corbeaux sont les oiseaux emblématiques de la couleur noire même si l’irisation de leurs plumes les fait souvent apparaitre bien plus colorés. J’ai écrit un article traitant d’une légende amérindienne à ce sujet. Malheureusement, ces oiseaux sont également devenus un symbole de mauvais présages, de fourberie et de multiples dangers. Pensons également aux chats noirs pour les superstitieux. Pourtant, les êtres qui devraient se méfier le plus des chats noirs sont les corbeaux, pas les humains.

En astrophysique, on utilise le mot « noir » pour qualifier une forme d’énergie et de matière bien spéciales. La matière noire et l’énergie noire représentent ensemble environ 95 % de tout le contenu de l’univers. Le qualificatif « noire » signifie ici notre absence totale de connaissance sur la nature de ces deux constituants et non pas leur manque de couleur. C’est-à-dire qu’avec tout notre attirail scientifique et tous nos cerveaux actuellement à disposition, nous connaissons moins de 5 % de tout ce que notre univers nous offre ! C’est bien le cas, en astrophysique, nous pataugeons dans le noir total.

En physique, on nomme « corps noir » un objet absorbant toutes les ondes électromagnétiques. Il les accumule sous forme calorifique et il restitue cette énergie en émettant un rayonnement dit de corps noir. Chauffez un morceau de fer et il émettra ensuite une lumière de couleurs caractéristiques. Noir, rouge sang, rouge cerise, orange, jaune et ensuite blanc, au fur et à mesure que la température du four s’élève, la couleur émise blanchit.

Cependant, les bleus et les verts restent des couleurs inconnues du fer chauffé. Au début du XXe siècle, ces absences étaient totalement incomprises. Et selon la théorie physique en vigueur à ce moment-là, un corps émettant en lumière ultraviolette verrait son énergie de radiation atteindre une valeur infinie ! Heureusement, grâce à Max Planck et ensuite à Albert Einstein, ce mystère fut définitivement résolu en 1905. Ce phénomène radiatif compris signa la naissance de la physique quantique, soit la lumière à énergie quantifiée (discrète) plutôt que continue. On parle des quantas de lumière ou autrement dit de façon plus moderne, des photons.

Dans le monde du symbolisme, le noir est la contre-couleur du blanc. C’est aussi vrai aux échecs, en chevalerie et ailleurs. Le chevalier blanc est preux, chaleureux et vertueux. Le chevalier noir est agressif, froid et fourbe. Étrange que le noir soit froid alors qu’un objet noir devient bien plus chaud qu’un blanc s’ils sont exposés à la même source énergétique.

Le néant primordial est symboliquement noir, de même qu’on considère le noir comme étant négatif ou passif. Aujourd’hui, l’endeuillé porte le noir, mais c’en fut autrement il n’y a pas si longtemps. Et même si le noir signifie la mort, il symbolise également la couleur d’un terreau fertile, donc la vie à naitre.

Dans la nature, le noir est abondant puisque le charbon est noir. Le diamant, lui, est transparent. Pourtant, ces deux objets sont composés du seul même élément chimique, le carbone (C). On peut considérer celui-ci comme ayant (au moins) deux pans totalement opposés. Le carbone vulgaire se transforme en matériau noble sous certaines conditions extrêmes de température et de pression, mais le diamant soumis à une température élevée (≈1 000 °C) devient du simple dioxyde de carbone (CO2) ou autrement dit, du carbone oxydé par l’air ambiant durant le chauffage. On fabrique donc un gaz à effet de serre en brûlant du diamant ! Mais soyez sans crainte, mis à part dans les entrailles de la terre, je doute qu’il existe de telles sources, n’est-ce pas ?

Mis à part les expressions et cooccurrences avec « noir » que j’ai précédemment employées, il en existe une panoplie d’autres qui utilisent le symbolisme de négativité ou de mystère et dans une moindre mesure, la couleur. Parfois, ces caractéristiques s’entremêlent au sein de la même expression.

Expressions :
Visa le noir, tua le blanc ; broyer du noir ; avoir un fun noir ; manger son pain noir ; demeurer dans le noir.

Cooccurrences : 
Roman noir ; liste noire ; boite noire ; caisse noire ; marché noir ; or noir ; marée noire ; messe noire  ; travail au noir ; noir de monde ; misère noire ; humour noir ; mouton noir ; regard noir ; bête noire ; fureur noire ; noirs desseins ; chanson noire ; etc.

Avec toutes ces expressions utilisées quotidiennement, pas étonnant que le noir soit devenu le champion toutes catégories de la mort, du mal, du mauvais, de la misère, de l’occulte, du secret, du mystérieux et de l’insondable.

Et que dire de l’archétype moderne du noir, le corbeau (LeCorbot !) ? Peut-il prendre toutes ces formes négatives de caractères ? Trempe-t-il naturellement dans des combines aussi sulfureuses qu’intrigantes ? Se délecte-t-il des misères et des laideurs humaines ?

Si vous lisez beaucoup des 678 articles que j’ai composés et édités ici même, vous obtiendrez sûrement quelques réponses à ces questions. J’ai reconnu, admis, accepté et partagé avec vous des éléments sombres de moi-même. Vous pourrez évaluer ce Corbot public en tout point semblable à une partie du vrai Corbot. Pour l’autre restée jusqu’ici tapie dans le noir, lisez bien tous les caractères noirs de mes prochains articles, peut-être y découvrirez-vous d’autres fragments de ma personne enfouis au sein de quelques noirceurs littéraires ou placés parfaitement en évidence à la lumière éclatante d’un traité limpide.

Car le noir ne peut pas exister sans s’opposer au blanc. Comme je le mentionnais dans un article précédent, placez un amas multicolore de feuilles dans une pièce entièrement dépourvue de lumière et, faute de celle-ci, elles apparaitront toutes noires. Seule une lumière parfaitement blanche permet de les distinguer correctement et seule son absence totale les rend toutes identiques.

Nous sommes l’une de ces feuilles colorées. Parfois, il est bien d’être distingués et parfois il vaut mieux se fondre dans la masse. Se plonger dans le noir total ne s’avère pas pire et ne vaut pas moins qu’être éblouis par un éclat lumineux, car les deux savent nous rendre aveugles.

J comme dans jamais

Dans la série des mots commençant par une lettre précise, aujourd’hui j’attaque le J avec le mot « jamais ». J’aurais pu choisir l’un des 896 autres mots commençant par cette lettre, toutefois celui-ci recèle bien des particularités.

En français, anciennement, le J s’est déjà prononcé [j] comme dans « faille ». Certaines langues latines ont conservé cette façon (positivement) archaïque de le faire entendre. Aujourd’hui, Molière le prononce [ℨ] comme dans « joie ».

Dans le système international, le J (majuscule) est le symbole du joule, une unité de mesure de l’énergie. Un joule vaut 43/180 calorie. On utilise aussi le j (minuscule) pour symboliser le jour en tant que durée. Un an vaut environ 365,24 j.

Maintenant, voyons l’étymologie du mot « jamais », un adverbe de temps. Il remonte loin dans le vieux français, en fait on le trouve dans la Chanson de Roland datant de l’an 1080. Composé de deux bases latines qui sont « jam » signifiant « déjà » et « magis » pour « plus », il signifiait en clair, « déjà plus ».

On comprend qu’en mille ans, le sens s’est quelque peu métamorphosé jusqu’à devenir un superlatif absolu. Dans son sens le plus commun, « jamais » signifie « à aucun moment », que ce soit dans un sens positif ou négatif. En parlant du futur, l’utilisation du mot « jamais » tient du langage abusif, que ce soit par naïveté ou en mentant allègrement. Pensez par exemple à « jamais je ne te quitterai ». Donc, n’utilisez jamais « jamais » dans un contexte spéculatif et méfiez-vous comme de la peste de ceux qui en abusent allègrement, car soyez certains qu’ils ne vous disent jamais  la vérité.

On se rend compte que « jamais » est parfois un peu plus mou et admet l’inverse. « Jamais je n’irai à cet endroit » permet quand même d’y aller, mais probablement si certaines conditions sont différentes et qu’elles sont réunies. Et l’expression « sans jamais voir la réalité » n’exclut pas de façon définitive qu’on la regarde parfois, mais pas de façon significative ou fréquente.

« Jamais » peut même signifier exactement l’inverse lorsqu’on l’associe avec une certaine préposition. Dans le langage soutenu, « à jamais » est synonyme de « pour toujours », ou « éternellement ».

En l’utilisant avec « que » comme dans « plus malade que jamais », nous nous retrouvons dans un contexte comparatif. Pourtant, on élide sciemment l’élément de comparaison puisque nous devrions dire pour plus de précision « plus malade que jamais auparavant ». Éliminer la référence au passé est un exemple patent que « jamais » ne doit jamais être interprété pour les temps futurs » Ainsi, le comparateur « auparavant » devient superflu.

On utilise constamment le mot « jamais » sans vraiment y réfléchir. Il est entré dans nos habitudes langagières. Pourtant, comme tout absolu, il reste à jamais lourd de sens. Même s’il constitue un abus de langage, une hyperbole, « jamais » prend très souvent le sens de « la plupart du temps ». On distingue l’un de l’autre en considérant les probabilités. 0 %, alors c’est un vrai « jamais ». N’importe quel autre nombre et le « jamais » n’est jamais un pur « jamais ».

Alors, si je vous dis que je n’aurai jamais le temps de tout écrire ce que j’aimerais concernant le mot « jamais », je l’utilise comme un absolu ou une hyperbole ?

DOW – Avant-propos

Comme vous le savez probablement maintenant, DOW est l’acronyme du titre de mon tout dernier roman « Le domaine Ondana–Watermore ». Dans mon article précédent, je vous avais promis l’avant-propos. Or, le voici.

Avant-propos

L’écriture d’un roman dont tous les événements et les personnages sont purement fictifs exige de son auteur un labeur méthodique puisque sa mémoire ne lui apporte aucun secours. Tous les détails de l’œuvre, les lieux, les moments, les personnages, les objets, les dialogues et la trame historique étant inventés, les pièges augmentent quadratiquement en fonction de la longueur du récit, du nombre de personnages et de la complexité contextuelle.

Écrire une œuvre aussi volumineuse ne relève pas d’une décision préalable. Les sections ont simplement buissonné tout au cours de l’évolution de l’écriture. Je les ai ensuite raboutées pour créer le fil du récit et surtout, je me suis ensuite attelé à traquer et à corriger toutes les anomalies engendrées par une écriture percolée.

Mon travail quotidien de composition, d’assemblage, de révision et de correction m’a fait vivre une profonde solitude qui s’est étirée sur plusieurs années. Bien sûr, j’ai choisi cette existence et l’idée ne consiste pas à me plaindre, mais à être compris et, j’espère, à être pardonné.

Tout au long de cette aventure, je vous partage les pensées de la myriade de personnages peuplant ce livre, y compris durant l’action. J’ai extirpé leurs réflexions pour mieux vous les faire connaitre, car la vraie richesse n’est-elle pas d’accéder à l’esprit des gens ?

Conséquence directe de mes choix littéraires, ce livre est conçu pour être dévoré avec parcimonie. Il s’oppose volontairement aux œuvres haletantes qu’on termine en quelques heures et qu’on oublie après quelques jours. Sa longueur, sa densité et sa complexité constituent des choix assumés. Et n’espérez pas des répits de cogitation lorsque vous entamerez une partie bardée de dialogues. Qu’ils soient exprimés ou racontés, tous les détails acquièrent ici leur importance.

Voyez ce livre comme un éloge à la lenteur. Pour vous guider dans cette voie, je l’ai subdivisé en 223 sections réunies en 21 chapitres. Ayant moi-même horreur de couper court à ma lecture au beau milieu d’une intrigue, terminer une section avant de fermer le livre pour la nuit ne devrait ici vous prendre que quelques minutes.

Avant d’entamer votre lecture, équipez-vous d’un peu de persévérance, car quelques sections vous demanderont un plus haut degré de concentration. Allez, maintenant, amusez-vous !

Lir la quatrième de couverture

Si vous désirez me faire part de questions qui vous assaillent, laissez un commentaire.

Mon tout nouveau roman est maintenant en vente !

Eh bien ! Ça y est ! Après de nombreuses années à souquer ferme, mon nouveau roman vient tout juste de paraitre.

Son titre : « Le domaine Ondana–Watermore », DOW pour les intimes.

En fait, cette œuvre constitue un préambule à un roman terminé en 2000, mais qui n’a jamais été édité. J’en ai donc profité pour ramener plusieurs personnages vingt ans dans le passé, au début de leur vie d’adulte, mais je les ai également situés dans un contexte contemporain. Évidemment, en agissant ainsi, je signais la mort de ma précédente œuvre que je devrai réécrire en totalité.

Vous pouvez lire le texte couché au dos de ce roman titanesque et, si votre cœur en éprouve le désir, vous le procurer en format PDF en cliquant ici.

Si vous avez des questions à m’adresser avant de dépenser le montant pour l’acquérir, n’hésitez pas à me laisser un commentaire ou à m’envoyer un courriel à l’adresse que vous trouverez ici.

Pour obtenir la version papier, communiquez directement avec moi. Je vous avise toutefois que, pour un poids totalisant plus de 900 g, les frais de poste ne sont pas négligeables et le délai de livraison peut atteindre plusieurs jours, plusieurs semaines, voire plusieurs mois si vous habitez en Europe, gracieuseté de cette chère COVID et de ses variants.

Bonne nouvelle, cependant. Pour ceux qui achètent la version PDF, vous la payez 25 % moins cher que la version papier. Qui plus est, si vous décidez ensuite d’acheter la version lourde, vous n’avez qu’à débourser la différence (ainsi que les frais de manipulation et de transport). Vous obtiendrez ainsi le livre dans ses deux formats en ne payant que l’équivalent de la version papier.

Évidemment, pour ceux qui achètent immédiatement la version physique, vous obtiendrez la version électronique sans frais additionnels.

Quant à mon prochain article de blogue, il contiendra l’avant-propos du livre.

Après tout ce travail, j’avoue d’emblée que la fatigue est au rendez-vous et je compte bien profiter pleinement de mes vacances simplement pour me reposer, car plusieurs autres projets seront étalés sur ma table de travail lorsque je reprendrai le collier cet automne. Entre autres, je préparerai une seconde édition de mon premier recueil de nouvelles, j’ai aussi dans mes cartons un recueil de novellas (nouvelles longues) ainsi qu’un recueil de poésie. Et enfin, j’ai entamé l’écriture de la suite du roman DOW. Mis à part ce dernier projet à l’état embryonnaire, tous les autres sont déjà bien avancés et, chose certaine, l’année 2022 verra la publication d’une ou de plusieurs œuvres en cours de production.

Mais où était passé ce foutu Corbot ?

Oui, je sais, ça fait longtemps que je n’ai rien publié sur mon site ! J’ai également négligé de vous lire. Aurais-je raté quelque chose ?

Le confinement ? Le déconfinement ? Des bandits masqués partout ? Bof ! Ce genre de petite crise était prévisible. À 7,5 milliards d’individus entassés sur une boule décrépite par ces mêmes gens, la surprise fut que cette pandémie ne soit pas survenue avant.

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Je vous ai souvent entretenu sur le sujet. J’estime à 1 milliard le nombre maximum d’humains que la Terre peut porter afin d’avoir la capacité de la conserver en santé en y consacrant toute notre attention. Ce nombre finira un jour par être atteint lorsque les virus deviendront plus létaux que ce petit coup de semonce actuel.

Mais détrompez-vous, la CORVID-19 (en tant qu’oiseau de malheur, je m’en attribue un peu le mérite en déformant son appellation) ne m’a pas forcé à rester coi. Je n’ai même pas raté une seule journée de travail ! Et voilà la véritable raison de mon mutisme.

Je vous avais tenu au courant que j’écrivais un nouveau livre. Eh bien, il vient un moment, lorsque l’écriture du fond de l’histoire est terminée, il faut tout reprendre, tout réécrire, tout réorganiser, tout réviser et tout corriger. Estimer que ces tâches représentent un travail à temps plein est un euphémisme. SI vous rajoutez mon boulot professionnel à celui-là, tous les créneaux temporels sont occupés.

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Ce livre de près de 600 pages n’a pas encore reçu mon ultime coup de plume, cependant durant ces derniers mois de silence, les 217 sections contenues dans ce roman ont toutes obtenu ma plus grande attention. 

Pour un auteur, son livre reste toujours une œuvre inachevée. Il faut, de force, le lui arracher des mains. Grâce, ou à cause de la beauté et de la richesse de notre langue, la plupart des phrases demeurent perfectibles. Ainsi, clore son écriture, déclarer un bouquin achevé consiste tout bonnement à s’avouer vaincu.

Alors, ne vous étonnez pas de lire que mon dernier rejeton est loin d’être à mon goût. D’ailleurs, le pourrait-il ? Cependant, chacune des sections a subi le traitement défini précédemment. Patiemment, phrase après phrase, paragraphe après paragraphe, section après section, l’œuvre se solidifie puis s’embellit. Les descriptions se précisent, les personnages s’enrichissent, les dialogues prennent du mordant et la lecture se fluidifie.

Afin de ne pas rallonger indument cet article, je garde les détails concernant ce livre pour une prochaine fois. Je compte d’ailleurs réorienter ce blogue vers ce sujet : l’écriture d’un livre complet. Plusieurs d’entre vous sont sûrement tentés par l’aventure et partager certaines de mes expériences pourrait s’avérer un exercice intéressant pour moi et une source d’inspiration pour vous.

De toute façon, j’ai déjà entamé la composition de la suite, le tome 2 de cette histoire complexe, riche et, à mon avis, oh combien fascinante ! Ainsi, je pourrai plus facilement écrire des articles de blogue si je me cantonne dans la même sphère d’activité. Vous n’aurez plus à attendre plusieurs mois avant de lire quelque chose de nouveau.

Quel est le titre de ce livre nouvellement terminé ? Euh ! J’essayerai de me décider avant ma prochaine publication. Quoi ? Autrefois on choisissait bien les prénoms des enfants après la naissance !

L’origine des noms de 5 éléments chimiques — 2

Ceci est le deuxième article sur l’origine des noms donnés aux éléments chimiques. Vous trouvez le numéro atomique de l’élément, son nom français et son (symbole). Pour lire le premier article, cliquer ici.

3 — Lithium (Li) : Le lithium est le plus léger des éléments chimiques solides à température ambiante, le lithium est aujourd’hui populaire pour la fabrication de batteries rechargeables. Son nom vient du mot grec « lithos » qui signifie « pierre ». Penser à notre lithosphère ou à la lithographie. J’abordais le sujet dans le premier article, notre Univers a produit très peu d’éléments chimiques différents à sa naissance. Beaucoup d’hydrogène, beaucoup moins d’hélium et il faut rajouter une infime trace de… lithium. Toutefois, l’abondance actuelle du lithium ne provient pas de la nucléosynthèse primordiale, mais du travail des étoiles. Le lithium a quand même été la première pierre de notre univers. Est-ce cela qu’on pourrait appeler la « pierre philosophale » ?

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7 — Azote (N) : Selon la langue, les symboles chimiques ressemblent souvent à leur nom… ou pas. En français, N et azote n’ont rien en commun, mais en anglais, azote se dit « nitrogen ». Il provient du latin « nitrogenium ». Bizarre qu’un mot latin soit utilisé par les anglais, mais pas par les français. En français, le terme nitrogène signifie : « qui est à la naissance, à l’origine du nitre ». Le nitre (nitrate de potassium) ou encore salpêtre (sel de pierre) est un composé minéral de formule KNO3. Alors d’où vient le mot « azote » ? Antoine Lavoisier l’a inventé à partir du préfixe « a » signifiant la privation et le mot grec ζωτ (zot) signifiant « vivant ». Azote signifie donc « privé de vie ». Alors que la Terre abrite tant de vie, son atmosphère est ironiquement composée à 78 % d’azote (N2). Allez y comprendre quelque chose !

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22 — Titane (Ti) : Le titane tire évidemment son nom du mot « titan », mais sa corrélation avec ces personnages mythiques est loin d’être évident, sinon inexistant puisque celui qui le nomma ainsi ne connaissait rien de ses propriétés physico-chimiques. Ce métal de transition possède plusieurs avantages. Il est léger, résistant et anticorrosif, mais par-dessus tout, il est biocompatible. Puisque le corps humain ne le considère pas comme un corps étranger, plusieurs prothèses en titane permettent de remplacer avantageusement des os irréparables. Devenons-nous alors des Titans ? Le titane est utilisé dans la conception d’avions de haute technologie et les premiers chasseurs secrets américains qui ont utilisé ce matériau pour combattre le soviétisme ont été construits à partir de titane provenant… d’URSS. Plutôt ironique, n’est-ce pas ?

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77 — Iridium (Ir) : Intuitivement, on associe ce mot à iris, avec raison. En latin, iris signifie arc-en-ciel et l’usage d’iridium dans certains composés chimiques donnent des molécules très colorées, d’où son nom. Toutefois, sous sa forme pure, il ressemble au platine et n’a pas ou peu de coloration. L’iridium est très rare à la surface de la Terre. Il est cependant beaucoup plus abondant dans les météorites. En analysant une fine couche géologique disséminée sur toute la planète contenant un taux anormalement élevé d’iridium, les père et fils Alvarez ont imaginé qu’un tel objet céleste serait tombé sur Terre il y a de cela 66 millions d’années. Ils ont calculé les dimensions du caillou qui aurait causé la fameuse cinquième grande extinction, celle des dinosaures non aviaires. Il devait faire environ une dizaine de kilomètres de diamètre, soit plus que l’Everest. Sa chute aurait créé un astroblème d’environ 200 km de diamètre. Celui-ci a finalement été retrouvé au Yucatan et ses dimensions concordent très bien avec les calculs des deux hommes. L’iridium a servi à « faire toute la lumière » sur le coupable de cette tuerie de masse qui a fait disparaitre plus de 60 % de toutes les espèces vivant sur la planète.

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80 — Mercure (Hg) : En terminant, un facile, Mercure. Du dieu romain du même nom associé au commerce. Mercure et vif-argent furent longtemps synonymes. Aujourd’hui, ce dernier terme est tombé en désuétude, sauf dans les jeux vidéos de type médiévaux où il est réapparu. Mercure est l’un des deux seuls éléments chimiques à être liquide à température de 0 °C et pression de 1 atmosphère, l’autre étant le brome (Br). Le nom vif-argent lui correspondait bien. On aurait pu aussi dire « argent liquide », mais on a gardé cette utilisation pour de l’argent solide. Bizarre de langue ! Son symbole « Hg » provient de son nom latin « hydrargyrus » qui signifie « eau ronde ». Lorsque vous versez des gouttes de mercure, elles ne s’étalent pas comme de l’eau, elles s’arrondissent pour former des quasi-sphères.

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F comme dans français

Voici le temps venu de m’attaquer à une autre lettre de notre alphabet et à un mot commençant par celle-ci. Aujourd’hui, dans ce onzième article de la série, je traite de la sixième lettre et d’un mot pas ordinaire.

Pauvre f ! Une lettre qui en souffre, s’il en faut. Sa graphie majuscule (F) l’expose à tomber sur le côté, déséquilibré par un centre de gravité trop élevé et une asymétrie difforme peu esthétique. Seul le P partage ses mêmes défauts et tous les deux se ressemblent étrangement. Le F me fait penser à un E raté ou à un P tronqué parce qu’écrit trop près de la bordure du papier.

Et encore plus étonnant, le p remplace souvent le son du f lorsqu’il est associé à un h comme dans les mots francophone, éléphant, camphre et phallus. Phallait phichtrement se phoutre du f pour le transphormer si phréquemment et phrénétiquement en ph !

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En français, 3519 mots commencent par cette lettre, dont 616 adjectifs, et pas les moindres. Fabuleux, fameux, fantastique, faste, fécond, féérique, fervent, fiable, fin, fleuri, formidable, fort, fougueux, frais, franc, friand, fructueux, fruité, fulgurant, futé, le f semble fait pour formuler des finesses et des flatteries.

On ne peut toutefois faire abstraction de son autre face lorsqu’il est fâché, factice, fadasse, faiblard, faillible, fallacieux, falot, famélique, fantoche, fauché, fautif, faux, félon, fétide, fielleux, flasque, flétri, foirard, foutu, frauduleux, frelaté, frigide, fripé, fruste ou futile. L’hypothèse d’un f fin est donc réfutée.

523 autres adjectifs se terminent par un f, la plupart adoptant la terminaison -if au masculin.

La sonorité du f est une fricative labiodentale sourde. Autrement dit, c’est un frottement, un souffle formé par le resserrement du canal vocal et l’utilisation simultanée des lèvres et des dents pour émettre des basses fréquences. Son symbole phonétique international n’est rien d’autre que le f minuscule (f). Le f s’amuït lorsqu’il termine un mot comme dans bœuf, cerf, nerf ou clef. On le prononce comme un v en liaison avec quelques mots comme dans neuf heures.

Le mot le plus court contenant le plus de f est fieffé puisque aucun mot ne contient quatre f, mis à part un anglicisme ou deux que je récuse.

L’alphabet de l’OTAN utilise le mot Foxtrot pour désigner la lettre F. Elle vaut 4 points au Scrabble français.

En majuscule, c’est le symbole du farad, une unité utilisée pour exprimer la capacité des condensateurs électroniques. Elle est issue du grand physicien Michael Faraday. L’usage des degrés Fahrenheit (°F) tend à disparaitre, mais reste encore l’unité principalement utilisée aux É.U.A. pour désigner les températures ambiantes. En chimie, on représente le fluor par la lettre F, mais auparavant elle était utilisée pour désigner le fer qui a dû ensuite se contenter du symbole Fe.

En mathématiques, il présente surtout une fonction f(x), c’est-à-dire qu’on entre des valeurs dans la fonction et il en ressort d’autres valeurs.

En musique anglo-saxonne, le F signifie la note fa. Écrit en minuscule italique (f) au-dessus de la portée, il faut la jouer forte, ff fortissimo, et fff c’est le plus fort possible.

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Évidemment, le f ne peut qu’être important pour le français et il n’est pas fortuit d’avoir choisi ce mot pour le représenter. Tous les francophones le savent, et a fortiori les étudiants dont leur langue maternelle diffère, la langue française n’est pas des plus simples. Plus facile cependant que le latin dont elle découle, elle demeure tout de même remplie de conjugaisons complexes, d’exceptions inattendues et de difficultés nombreuses et étonnantes issues de son histoire riche et passionnante, mais également d’académiciens élitistes et retors qui l’ont compliquée parfois à outrance.

Aujourd’hui, le pire ennemi du français reste le français et surtout sa façon d’évoluer. Lisez l’article « Dictionnaires réactifs : langue bâtarde » pour savoir ce que j’en pense. Autrefois très influent auprès des autres langues, dont l’anglais, aujourd’hui le français traine de la patte et se montre incapable de réagir vivement et adéquatement aux bousculades causées par la flopée des termes anglais issus de la technologie, des sciences et de la culture hégémonique actuelle autrement qu’en les empruntant.

Heureusement, le français continue tout de même d’évoluer, mais cette évolution ne prend pas les mêmes orientations partout où cette langue est parlée. L’insertion graduelle de mots issus d’acronymes locaux la régionalise en fragilisant son internationalisation.

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L’autre horreur est l’insertion dans les dictionnaires officiels de mots issus du verlan, un argot inutilisé par une grande partie de la francophonie. Il vaudrait mieux s’en tenir à un lexique exclusivement dédié au verlan et expulser des dictionnaires ces termes qui n’apportent aucune différence dans la signification du mot écrit à l’endroit.

Utiliser le terme chelou plutôt que le mot louche m’indispose en tant que francophone amoureux de sa langue. Et je saute les plombs lorsque des films traduits en français font un usage immodéré du verlan et des acronymes locaux parisiens lorsque le rayonnement de la traduction de l’œuvre se veut mondial.

Vous pourriez m’accuser d’être paradoxal puisque j’ai écrit une série d’articles intitulés « Expression québécoise… ». Voir la page Thèmes sur mon site pour les retrouver tous. Certains de ces mots et expressions ont été homologués et apparaissent maintenant dans les grands dictionnaires français. Chaque mot accepté doit obligatoirement exprimer une idée différente et unique par rapport aux autres entrées, une notion absente des mots en verlan qui constitue simplement un principe de codage.

Les mots québécois et les expressions qui en découlent et que je présente sur mon blogue visent à les faire connaitre en enrichissant le vocabulaire et la langue, pas à globaliser des régionalismes uniquement utiles aux gens vivant dans une certaine réalité politique délimitée. Je m’en tiens aux mots et expressions pouvant être utilisés par tout le monde et qui apportent une compréhension de notre histoire, parfois avec un peu d’humour.

Pour terminer cet article fondamental sur le f et le formidable français qui nous unit tous, partout où nous vivons sur la planète, soyons des amoureux respectueux de cette langue belle, riche, imagée et capable de fantastiques trouvailles lorsqu’elle est finement travaillée. Elle nous emporte, nous fait rêver, et voyager, nous fait pleurer, nous fait réfléchir, partage nos idées, nos opinions et surtout, elle nous fait vivre en communauté. Soyons fiers d’être francophones, soyons généreux avec les francophiles, soyons indulgents et pédagogues envers les gens cherchant à la parler ou à l’écrire, soyons avisés dans nos choix lorsque nous la parlons et encore plus lorsque nous l’écrivons.

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À l’instar du f qui montre une grande fragilité, notre langue est sans conteste vulnérable. Puisque le français nous unit tous, il est possible de garantir sa pérennité en travaillant de concert. Ainsi, nous transformerons le fluet f en un F ferme et fructueux qui ne se laissera pas affaiblir par les forces fluctuantes à l’affut de ses failles pour refréner sa diffusion.

Il ne suffit pas d’être francophone, nous devons tous être des indéfectibles francophiles, amoureux de notre langue commune, bref, de fervents fanatiques du français.

Voilà, filez, c’est fini.