Sommes-nous une espèce sociale ?

Sanctuary of Shadows

La question peut paraitre triviale. On a juste à regarder autour de soi pour ne voir que des humains vivant près les uns des autres, échanger des biens entre eux, s’associer pour construire des structures immenses qui profiteront à d’autres qu’à eux-mêmes. Si l’humain n’était pas social, il ne ferait rien de tout cela, pensons-nous.

Et pourtant, tous ces actes « sociaux » sont motivés par une seule idée, celle de recevoir suffisamment pour assurer sa survie et celle de sa famille immédiate. Les personnes suffisamment riches pour être totalement rassurés sur leur confort jusqu’à la fin de leur existence continuent de s’enrichir plutôt que de distribuer leurs richesses au profit des plus démunis. Quand on devient milliardaire, on veut juste devenir multimilliardaire.

Un certain pourcentage de l’humanité n’a pas volé leur titre d’humaniste, mais ce n’est ni la totalité ni la majorité, seulement une toute petite partie. Tout le reste est profondément égoïste. La sociabilité humaine tient principalement de l’opportunisme. L’humain sociabilise par nécessité, par désir de recevoir plus que le coût de donner, par peur de se retrouver sans personne pour lui venir en aide, pas par amour du partage et du don de soi.

Le désintéressement véritable existe, mais il se fait rare. L’humain reste encore une espèce qui voit sa survie dans celle de lui-même et de sa descendance, bien avant celle de sa communauté, celle de sa patrie et encore moins celle de l’humanité. Notre piètre intérêt envers les changements climatiques le prouve hors de tout doute. Les nations qui continuent de se développer à vitesse grand V au détriment de l’environnement le prouvent également.

Comme toutes les autres espèces vivantes, l’humain continue d’évoluer. Ces changements conforteront sa place sur Terre ou le feront disparaitre. Pour survivre à nos impacts négatifs sur la planète, nous devrons augmenter substantiellement notre sociabilité et cesser de regarder la croissance comme seul critère valable de survie.

Personnellement, je garde peu d’espoir en un changement suffisamment radical de nos valeurs pour renverser la vapeur à temps. L’humanité devra s’effondrer avant de pouvoir redémarrer sur de nouvelles bases. Mais quel survivant voudra changer alors que la planète Terre, dégarnie de ses humains, redeviendra apte à être conquise ?

Si l’humain survit à lui-même, il reprendra ses bonnes vieilles habitudes égoïstes. S’il disparait, quelle autre espèce serait suffisamment apte et méritoire pour prendre sa relève ? Par quelle espèce serons-nous remplacés au sommet de notre planète ? Peut-être par aucune en particulier.

Possiblement, l’humain aura été une aberration qui ne reviendra plus du moins, pas sous cette forme aussi dominante. La Terre est peut-être trop petite pour endurer une forme de vie aussi malfaisante, aussi destructrice et génocidaire en regard des autres espèces ainsi qu’envers la sienne.

Notre planète sans humains ne cessera pas de voir les espèces disparaitre. La Nature est ainsi faite qu’avant nous, 99 % de toutes les espèces ayant vécu sur notre caillou se sont éteintes et après nous, les extinctions continueront. Mais comme autrefois, elles seront causées par des bouleversements naturels, pas par une hégémonie.

Hubert a rejoint ses étoiles

We are cursed

Rarement plus d’une personne par génération a la capacité d’influencer positivement l’humanité tout entière et Hubert Reeves a été l’une d’elles. Son amour pour la science, pour l’écologie, pour la langue française, mais surtout pour les gens a façonné sa nature profonde et incidemment la nôtre.

Contrairement aux discours démagogiques qui enflamment les esprits, le sien, dépourvu de hargne, a toutefois engendré de très grandes passions. Comme quoi l’éducation et les explications simples et claires valent autrement mieux que les phrases incendiaires dépourvues de sens.

Ce Montréalais de naissance et Français d’adoption savait que la science avait causé les catastrophes environnementales que nous connaissons aujourd’hui, mais il croyait également qu’elle pouvait nous en affranchir si on la mettait au service de notre bien-être. La science n’est ni bonne ni mauvaise, elle fait ce pour quoi on la harnache. Malheureusement, l’incurie permanente de nos dirigeants en matière de protection de la Nature l’a profondément bouleversé et l’a peut-être en partie anéanti.

Nous sommes tous des poussières d’étoiles comme nous sommes tous devenus des fragments d’Hubert Reeves, de sa pensée, de ses préoccupations et de ses amours.

Merci, Hubert, d’avoir été présent dans nos vies.

Ode au combattant

Braise

Vois la gloire ceindre ton front vertueux
Tu défiles solennellement parmi la foule
Serrant les remercieuses dans tes bras
Elles pleurent joies et soulagements

Tu ramènes leurs proches en maisonnée
Promesse tenue malgré les déchirements
Tu rengaines tes outils d’épuisements
Eux aussi aspirent au doux repos mérité

Éreinté, tu n’as droit qu’à une courte accalmie
Le devoir te rappelle dans les champs de batailles
L’ennemi lance de nouveaux éclairs de discorde
Embrasant les moindres parcelles florissantes

Ton combat te semble inutile car éternel
La terre entière crâne en incendiant tes efforts
Luttant vaillamment malgré tes bras alourdis
L’aboutissement se soustrait avec grands bruits

Parfois une victoire, parfois un renoncement
Les bagarres ne se gagnent pas aisément
Car ta précieuse forêt brûle de mille feux
Et les pompiers comme toi, si peu nombreux

Une révolte prévisible

Out of the Cold

Les peuples les élisent, ils ne les contrôlent pas
Les gouvernements ploient sans céder le pas
Nourris par les entreprises carboniques
Ils possèdent la résilience de l’élastique

Le temps passe et le climat est le seul à changer
Confortés par l’insouciance généralisée
Les gens continuent leur petite vie d’envieux
Bercés des illusions que tout ira pour le mieux

Seule une poignée de gens conscientisés
Hélas ne sachant plus à quel saint se vouer
N’auront d’autre choix que d’allumer la mèche
Fomentant une révolte pour engendrer la brèche

Cet événement, on le sait, va bientôt arriver
Tout aussi prévisible que le prochain matin
Pourtant tout le monde paraitra étonné
Faux semblant pour bonne conscience d’humain

La journée la plus chaude jamais enregistrée

Ça y est, nous avons battu le record absolu de chaleur au niveau de la Terre entière. Attention ! notre planète a bien entendu connu pire, mais pas depuis qu’Homo sapiens mesure cette température.

Kyne’s Peace

Lundi elle s’est établie à 17,01 °C et mardi à 17,18 °C. Non seulement c’est énorme, c’est même catastrophique puisqu’elle devrait osciller dans les alentours de 15 °C.

La température de la Terre s’emballe-t-elle ? Eh bien, tout montre que ça pourrait bien être le cas. Après avoir subi nos assauts répétés, un nouveau point d’équilibre cherche à être atteint et celui-ci ne sera pas seulement de deux degrés supérieurs au 15 °C normaux. Il pourrait se situer bien au-delà, mettant en danger notre propre existence en tant qu’espèce vulnérable.

Bien sûr, on dira que j’exagère alors que la réalité se situe juste à l’opposé. Tous ceux qui tentent encore d’édulcorer la vérité, qui exagèrent la futilité de la hausse mondiale des températures et de ses effets néfastes, voire délétères, ceux-là même qui ont gagné le combat en empêchant l’humain d’agir autrement, ce sont eux qui ont totalement tort et qui nous tuent à petits feux.

Une hécatombe est non seulement envisageable, mais fortement probable. Et je ne pense pas à toutes ces espèces végétales et animales déjà disparues ou à bientôt disparaitre à cause de l’apport anthropique, mais à l’hécatombe de notre propre espèce.

Vous ne voulez pas le savoir ? Sachez bien que votre aveuglement et votre silence n’éviteront pas la catastrophe de survenir. Se fermer les yeux n’empêche pas quelqu’un d’être frappé de plein fouet par la foudre ni d’être emporté par le tsunami.

Pour ma part, j’ai les yeux grands ouverts depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, je souris à ce que je vois. Je ne souris pas de bonheur, mais par dépit. Je regarde nos dirigeants se préoccuper presque uniquement de leur réélection ou à des futilités alors que notre maison est en train de brûler, et ce dans le sens littéral du terme.

Nous avons eu des centaines d’opportunités d’adopter de nouveaux comportements et nous les avons toutes rejetées. Il ne nous reste plus maintenant qu’à payer pour nos choix et le prix, soyez-en assuré, il sera évidemment à la hauteur de nos abus qui ont été et sont encore incommensurablement gigantesques.

Féliciter son vélo

Au début juin de chaque année à Montréal se tient le Tour de l’ile, une balade à vélo d’une soixantaine de kilomètres dans les rues fermées pour l’occasion à toute circulation automobile.

Where times collide

Ce n’est pas vraiment le tour complet de l’ile qui nécessiterait de pédaler près de 250 km. Le circuit varie d’une année à l’autre afin éventuellement de visiter tous les quartiers.

J’y ai participé à quelques reprises, surtout à ses débuts. Je m’en suis lassé depuis pour de multiples raisons. L’événement se veut familial. Les jeunes en âge de soutenir cette distance pour la première fois apprennent à persévérer et à dépasser ce qu’ils croyaient être leur limite. Quant aux parents qui n’ont pas pédalé depuis plusieurs années, eux réapprennent entre autres choses le sens du terme « mal au cul ».

Cette année, les innombrables troupeaux à deux roues passaient près de chez moi et lorsque je me suis rendu à pied au bord de la rivière, je les ai croisés une fois sur l’aller dans leur boucle et une autre fois sur le retour. Et à ces occasions, quelque chose a violemment attiré mon attention. Une forte proportion de cyclistes possédaient l’assistance électrique, à vue d’œil, pas loin du quart ou du tiers des participants.

Autrefois, on se congratulait pour avoir parcouru la distance, on était fiers de l’accomplissement. On partageait une victoire avec les autres cyclistes, car tout du long, on avait aidé les enfants et les autres cyclistes novices prêts à abandonner. On pédalait pendant un segment du circuit à côté d’eux, histoire de les encourager. On leur donnait des conseils. Durant l’heure du lunch, on ajustait la hauteur de leur selle ou de leur guidon qui étaient bien souvent trop bas, réduisant de beaucoup l’efficacité de la moulinette.

Mais quel est maintenant l’intérêt de participer à un tel événement si c’est pour l’effectuer en se faisant tracter ? Au bout du circuit et du compte, il ne reste plus maintenant qu’à féliciter notre vélo de ne pas nous avoir lâchés en cours de route.

Les champs Phlégréens vont-ils bientôt exploser ?

Quand on pense au volcanisme italien, les deux noms qui nous viennent immédiatement en tête sont l’Etna et le Vésuve. Le premier, principalement pour son activité actuelle et le second pour son histoire bien connue et pour… le futur.

Shattered Shield

Oui, le Vésuve finira un de ces jours par entrer de nouveau en éruption plinienne, dévastant Naples ainsi que tous les habitants qui n’auront pas évacué les lieux. La catastrophe ayant causé la dévastation de Pompéi et d’Herculanum se répètera à coup sûr, cette fois-ci en ravageant Naples.

Mais le prochain grand cataclysme volcanique à frapper cette région du monde ne viendra peut-être pas d’un de ces deux célèbres volcans. Elle pourrait être causée par ce que l’on appelle les « Campi Flegrei », ce qui signifie « champs enflammés ».

Les champs Phlégréens sont un immense complexe volcanique plus communément nommé « supervolcan ». Lui aussi est situé tout près de Naples, à seulement neuf kilomètres à l’ouest. Cette grande ville est donc prise en étau entre les champs Phlégréens et le Vésuve.

En fait, la caldeira sous laquelle repose le magma bouillonnant a été créée lors des deux précédentes éruptions datant de 39 000 ans et de 14 000 ans. La plus ancienne a formé la grande caldeira qui couvre entièrement la baie de Pozzuoli et une partie de la baie de Naples. Cette éruption aurait pu contribuer à l’extinction de l’homme de Neandertal puisqu’elle a causé un changement climatique majeur en Europe de l’Ouest au moment où ce cousin a disparu. Plus récemment, en 1538, une petite éruption a causé l’apparition du « monte Nuovo ».

Les dernières études parues dans la revue Communications Earth & Environment démontrent que la croute de la caldeira s’amincit, laissant présager une possible éruption. La composition des gaz des fumerolles a également changé dans le même sens. Plusieurs autres signes avant-coureurs ne sont cependant pas encore observés, comme des milliers de petits tremblements de terre survenant dans un court laps de temps et un important soulèvement de son centre sous la forme d’un vaste dôme. Actuellement, il existe bien un soulèvement, mais il est considéré comme étant moins important que celui anticipé pour une éruption majeure. Cependant, tout peut rapidement changer en fonction du comportement du magma sous-jacent.

Si les champs Phlégréens venaient à exploser de manière aussi importante qu’il y a plusieurs millénaires, l’Europe entière serait grandement affectée, toute vie en surface pourrait disparaitre. Le reste de la planète vivrait plusieurs années sans été, décimant plantes, animaux et humains. Un supervolcan envoie une grande quantité de poussières dans la stratosphère qui font plusieurs fois le tour de la Terre avant de lentement retomber au sol. On quantifie ses éjectas en centaines de milliards de mètres cubes.

Notez que ce supervolcan n’en est pas à ses premières frasques. Régulièrement, il fait sourciller les volcanologues. Cependant, un jour viendra, c’est une certitude, il ne fera pas seulement nous inquiéter, il mettra sa menace à exécution.

Je t’ai crue en crue

À l’instar de la rivière, le noyé coule vers d’insondables lointains.

Début mai, les eaux de la Rivière-des-Prairies gonflent sans vraiment présumer des conséquences exactes. D’année en année, son niveau fluctue entre la bénignité et la catastrophe. Encouragé par la fonte des précipitations accumulées durant l’hiver, le cours d’eau s’enorgueillit parfois au-delà de la bienséance.

Journey’s End

Cette année, les berges et les terrains riverains souffrent peu de ses écarts annuels. Ils ont juste été suffisamment inondés pour entasser toutes sortes de débris naturels ou anthropiques. Troncs, branches, branchages et copeaux mêlés de bidons, gobelets, masques et autres débris les accompagnent, le tout gisant en amas à la limite de la crue des eaux. La proportion des uns et des autres donne un aperçu de la négligence humaine.

Les bernaches sont de plus en plus nombreuses à s’entasser sur les rives qui ont vécu le ravage causé par les blocs de glace des embâcles. Ces chevaux-blancs ont maintenant abandonné les lieux pour se consumer en direction de la mer, laissant le champ libre aux majestés ailées.

La plupart des promeneurs ont compris l’importance de ne pas nourrir les oiseaux. Ils les observent à distance malgré la fâcheuse habitude des volatiles à envahir le parc pour se nourrir alors qu’il existe une multitude de terrains à l’état sauvage en mesure de leur offrir herbe, sécurité et tranquillité. Mais les bernaches elles aussi préfèrent se pavaner. Les femelles se préparent à pondre dans un nid construit à même le sol et parfois situé un peu trop près du passage des humains et de leur chien. Mais qui sommes-nous pour juger ce comportement téméraire alors que nous nous établissons au pied des volcans ?

Sans vraiment être en état de contemplation, j’observe la rivière prenant les airs d’un fleuve grandiose. Occasionnellement, elle écume blanc face aux assauts des vents frais d’ouest. Même si beaucoup d’eau passe sous ses ponts, elle résiste plutôt bien à l’envie de modifier son parcours, et ce malgré ses sautes d’humeur printanières. Le reste de l’année, elle continue à se la couler douce dans son lit.

Que de beautés dans cette force tranquille et pourtant indomptable ! Oui, nous pouvons la harnacher, retenir ses eaux et même la dévier, mais nous ne pourrons jamais l’empêcher de se déverser d’une quelconque façon. Elle a précédé notre arrivée et elle nous survivra. Pour elle, la présence humaine ne sera rien de plus qu’un court intermède durant lequel elle aura été légèrement bouleversée par nos agissements, mais également par notre fragilité, car il est si facile de s’y noyer !

À l’instar de la rivière, placide, j’écoule… les jours.

Maudite mégère de mer…le

Cette histoire n’est pas un conte. C’est un vendredi après-midi, je tente de relaxer au camping alors qu’il fait froid, humide, venteux et qu’il pleut. Bref, un temps idéal pour les canards, moins pour les humains. Comme à mon habitude, je commence à écrire quelques lignes sans trop penser au mauvais temps. La nature a besoin de pluie, je lui dois ma respectueuse placidité.

La pluie incite les vers de terre à sortir du sol, le temps idéal pour les merles de faire leur épicerie. J’aperçois un mâle juché sur un poteau de clôture. Il fait le beau, l’important, avec sa gorge bien colorée puisque nous sommes à la pariade. Il chante sans trop s’égosiller, je le soupçonne de vouloir attirer une compagne.

Et voilà justement une femelle qui atterrit sur la pelouse pas très loin du mâle. Elle est beaucoup moins flamboyante que lui, je la trouve même terne et hirsute. Le mâle quitte son juchoir pour aller se poser pas très loin d’elle. J’anticipe un début de cour, mais je me trompe. Je conclus très vite qu’ils forment déjà un couple et voici mes raisons de le penser.

La femelle ne fouille pas le sol, elle se contente « d’invectiver » le mâle sans discontinuer. Celui-ci n’y porte pas trop attention. Il se contente d’observer les alentours sans trop de conviction. Sa mission de découvrir de juteux lombrics semble plombée par les cris enroués de sa compagne.

Je me questionne. Comment un aussi joli jeune mâle s’est-il uni à cette espèce de mégère apparemment sur son retour d’âge ? Comme pour me conforter dans mon analyse, le mâle reprend sa position au sommet du poteau, il chante en dansant, probablement pour attirer une autre femelle sans partenaire. Malheureusement pour lui, aucune autre candidate ne pointe le bout de son bec. Tournée vers lui, la femelle au sol intensifie ses vociférations. Elle n’accepte pas du tout cette démonstration de masculinité.

Dépité, l’oiseau retourne au sol sans conviction. Sa détestable compagne s’en rapproche bourrée de reproches. La patience du mâle a-t-elle atteint sa limite ? L’élastique de la mienne est déjà bien étiré. À sa place, je l’aurais subitement planté là en m’envolant très loin d’elle pour ne plus y retourner.

C’est à ce moment précis que le mâle a un comportement que je n’aurais jamais imaginé. Avec le bout de son bec jaune vif, il lui donne quelques petits coups sur le sommet du crâne. Rien de violent, rien de bien méchant, juste une sorte de subtil signal qu’il en a plein le gésier et qu’elle ferait mieux de cesser ses récriminations.

Le message semble avoir été partiellement compris. La chipie espace ses cris par de longs silences sans toutefois y mettre définitivement un terme. Le mâle retourne se pavaner en hauteur au vu et au su de sa femelle. Sa fidélité ne lui est sûrement pas acquise. Il regrette certainement sa faiblesse d’avoir choisi cette détestable compagne.

Par la suite, je n’ai plus revu ce ménage bizarrement apparié. Le désagréable comportement de la femelle était-il dû à un état de santé dégradé comme ses plumes pouvaient le laisser supposer ? Le mâle s’était-il donné le mandat de rester avec elle à cause de son état fragile ?

Je n’ai pu faire autrement que de dresser un parallèle avec des couples d’humains. Je ne peux pas croire que les oiseaux et tous les animaux n’ont aucun sentiment comparable aux nôtres. Observer leurs comportements fournit la preuve du contraire.

Ici, l’indulgence et la patience du mâle étaient évidentes, et ce malgré ses désirs manifestes de copuler avec une pimpante jeunesse. À l’opposé, l’âge ou l’état de santé de la femelle semblaient causer ce comportement exaspérant. Je n’ai plus jamais constaté pareils agissements chez aucun autre couple d’oiseaux.

Voilà comment une journée des plus moche m’a procuré un éblouissant souvenir. Alors plutôt que de maugréer des insultes au temps, donnez-lui l’occasion de manifester des beautés inattendues. Car de la pluie naissent les plus jolies fleurs, pourvu que vous preniez le temps de les observer sereinement.

Catena et cousinage

Cousins
Les Québécois et les Français se considèrent souvent comme étant des cousins. Provenant majoritairement de la Bretagne, plusieurs individus ont bravé une longue et éprouvante traversée pour prendre pied et pays en Nouvelle-France.

Plusieurs siècles plus tard, nous continuons de partager une langue commune, plusieurs artistes et autres personnalités. Aujourd’hui et depuis très longtemps, les descendants de ces premiers colons ne forment pas, ni n’appartiennent à la diaspora française. Les Québécois de « souche » forment un peuple individuel et bien que leurs racines furent autrefois plantées en France, les boutures nord-américaines ont créé leur propre espèce, leur propre nation.

Catena
Le mot « catena » provient du latin. Il signifie « chaine ». Son pluriel est « catenae ». Ne jouez pas ce mot au scrabble, il n’apparait pas dans les dicos standards. Cependant, l’Union astronomique internationale (UAI) l’utilise officiellement pour désigner une chaine de cratères d’impact (astroblèmes) ou de dépressions causées par un même phénomène.

On se souvient de la catena causée sur Jupiter après la dislocation de la comète Shoemaker-Levy 9 en 1994. Sur Terre, la plupart des astroblèmes ont disparu. Moins de 200 sont recensés. Dans ces conditions de déficit, les catenae reconnues sont encore bien plus rares.

Œil du Québec
Ainsi surnommé, l’immense astroblème de Manicouagan a été daté de 214 (± 1) millions d’années. Il est répertorié au cinquième rang de tous les astroblèmes terrestres avec ses 100 km de diamètre. Il a été formé par la chute d’une énorme météorite d’environ 4 à 5 km de diamètre et on la soupçonne même d’avoir été l’une des causes potentielles de l’extinction Trias-Jurassique.

Paléogéographie
C’est la discipline scientifique consistant à reconstituer la position des continents sur le globe au fil des ères géologiques. Sachant maintenant que toutes les terres se déplacent les unes par rapport aux autres, il est possible de reconstituer ces puzzles du passé grâce à plusieurs évidences dont le paléomagnétisme imprégné dans les roches constituant les sols d’origine.

La paléolatitude de l’astroblème de Manicouagan à l’époque de l’impact a été évaluée à 22°8′ dans l’hémisphère nord.

Rochechouart
Cette commune française située en Nouvelle-Aquitaine possède également un gros astroblème de 20 km de diamètre nommé Rochechouart-Chassenon. Il a été causé par la chute d’une météorite d’environ 1 km de diamètre. La collision remonte à peu près à la même époque que celle de Manicouagan. De plus, les deux paléolatitudes coïncideraient.

Est-ce une catena ?
Alors, ces deux cratères d’impact forment-ils une catena ? On l’a longtemps cru puisque les différentes datations en tenant compte des marges d’erreur pouvaient le laisser supposer. Cependant, les datations modernes disent peut-être le contraire. La plupart des méthodes utilisées donnent au cratère de Rochechouart-Chassenon un âge plus jeune que Manicouagan, soit de 180 à 206 millions d’années dans le meilleur des cas. On reste tout de même assez éloigné du 213 ou 215 millions d’années de l’œil du Québec.

Faux cousins
Comme les peuples français et québécois, ces deux astroblèmes géants ne sont peut-être que de faux cousins. Il faudrait peut-être encore affiner les datations afin de s’en assurer. Quoi qu’il en soit, que ces deux astroblèmes aient une origine cosmique commune ou non, nous partageons cependant une réalité similaire. Quelque part sur notre territoire, à peu près à la même époque, le ciel nous est tombé sur la tête. Pas étonnant d’être les uns comme les autres de vrais descendants des Gaulois.